En voilà un film qu'il est sympa, tiens. Marrant, poétique, triste, tout ça, tout ça. J'avais apprécié, mais sans plus, "enfermés dehors", c'était un peu mieux sans être fou avec "9 mois fermes". Et puis là, tout à coup, comme une sorte d'éblouissement. Le truc où tu rentres dedans à fond, alors que pour les deux précédents, j'étais comme qui dirait un peu resté dans l'antichambre. Même Efira, dont je n'apprécie pas toujours les qualités d'actrice, eh bien là ça le faisait complet, avec sa jupe noire et son pull rouge, son teint pâle de grande malade condamnée par une cochonnerie auto-immune incurable. Un parfait combo de dame aux camélias et d'Anna Galiena dans "le mari de la coiffeuse". Oui, je sais, il n'y aucune ressemblance physique entre les deux, mais que voulez-vous, les associations d'idées ça ne se commande pas...
Alors, il s'est passé quoi depuis "enfermés dehors". Ça fait un bail quand même, bientôt 15 ans. Est-ce que finalement, Dupontel n'aurait pas été un peu en avance sur le temps, sur son temps. Comme si le monde qu'il décrirait dans ses films, eh bien, on y est de plus en plus et que du coup, ce qui me paraissait un peu irréel en 2006, me saute maintenant aux yeux avec une évidence éclatante. Je veux parler de cette omniprésence de la connerie humaine - c'est quand même la thématique forte de ce film, voyez plutôt son titre - qui bouffe et écrase tout sur son passage, en premier lieu l'amour. La déshumanisation en marche, si l'on veut.
Car il cogne fort le gars, tout de même. Police, administration, hôpitaux, technologie notamment sécuritaire, monde du travail, tours de La Défense. On voit même passer une trottinette électrique. Tous en prennent pour leurs grades, dans une explosion de dérision qui n'est jamais dépourvue ni de finesse, ni de justesse. Probablement le meilleur film qu'on ait jamais fait sur ce qu'est devenu le service public en France en 2020, sous les coups de boutoir répétés des plans de modernisation, des restrictions budgétaires et des doctrines managériales foireuses importées des boites du CAC 40. Et pour ce qui est de la police, ça nous fait une sorte de complément poétique et drôle d'"un pays qui se tient sage", qui est très bien, mais n'est surtout pas ni poétique, ni drôle.
Je vais terminer par une confession, j'espère que je n'offenserai personne. Voilà, les gags d'aveugle m'ont toujours fait rire aux larmes. Je sais, ce n'est pas très charitable et jamais il ne me viendrait à l'idée, dans la vraie vie, de me moquer d'un aveugle. Alors, je me rattrape au cinéma. Et là, j'ai pu m'en donner à cœur joie.