Il faut dire les choses comme elles sont : « Adieu les cons » est une grande déception. C’est pourtant un film au titre aussi alléchant que programmatique, mais il ne respecte même pas les normes de l’ écriture inclusive ! On n’y voit aucun acteur issu de la « diversité » dans un rôle de premier plan. Pire : en 1h27 de film, personne ne s’excuse.
Deux histoires d’amour s’entrecroisent, sans qu’aucune ne soit homosexuelle. L’informaticien dépressif campé par Albert Dupontel est en effet un mâle blanc cisgenre de plus de 50 ans qui ignore manifestement qu’il jouit d’un privilège consécutif à la pâleur de sa peau. La champouineuse qui l’accompagne est une cisgenre blonde, qui, allez savoir, s’épile peut-être les aisselles. A un moment, Dupontel l’embrasse sans lui avoir fait signer au préalable un accord de consentement explicite. Il est même question d’une relation amoureuse entre un vieux de 20 ans et une gamine de 15, une blanche qui porte des dreadlocks et l’appropriation culturelle à un degré rarement atteint dans un film européen. Comble de l’horreur : elle danse sur une chanson de la Mano Negra : on a arrêté des matchs de foot pour moins que ça.
A la moitié du film, la capillicultrice parfaitement interprétée par Virginie Efira finit par retrouver son rejeton qu’elle avait égaré pendant 28 ans, les femmes sont si distraites. Et c’est là que le film devient particulièrement glauque, et même peut-être totalement « malaisant et malsain », pour reprendre les mots d’un jeune Saint-Just d’Internet, parce que « Et la morale, hein ? » . Le fruit pourri des amours de jeunesse de la rasta blonde se révèle être un ignoble harceleur de rue, un stalker ou chépakoi, assommant une jeune beauté à coups de poèmes claqués et de bouquets de fleurs moisis, alors qu’elle n’a rien demandé, et n’hésitant pas à la suivre dans la rue la nuit à une bonne trentaine de mètres de distance. Un scénariste pervers les enfermera même seuls dans un ascenseur. Et que croyez-vous qu’il arriva ? C’est la belle, qui, lassée d’attendre que l’autre coincé se décide, finira par lui prendre la main. Romantisme niais et un peu facile ? Que nenni ! Légitimation de la culture du viol ! Balance ton porc, surtout s’il t’écrit des poèmes et qu’il t’envoie des fleurs !
On l’aura compris, la transidentité, la pansexualité, le racialisme, le décolonialisme, les luttes intersectionnelles, l’écriture inclusive et qui doit faire la vaisselle quand la machine est en panne, questions cruciales de nos sociétés post-me too, sont les grands absents de ce film… alors que, wow, on est quand même en 2021, quoi. Les stéréotypes datés abondent : les médecins écrivent forcément mal, l’informaticien est un geek, l’aveugle n’y voit rien ; le scénario a oublié d’être disruptif (la cellule McFly et Carlito de l’Elysée n’était pas libre). La fin du film est glaçante, mais je crois qu’on n’a plus le droit de l’écrire. Seule concession au politiquement correct qui pourrait le sauver – un peu – de l’infamie : les flics sont tous, sans exception, de parfaits abrutis, brutaux et bas du front.
On le voit, ce film est une ignoble bouse presque aussi réac qu’« Amélie Poulain » avec un comique antédiluvien qui ne peut séduire qu’un public de boomers comme ceux qui lui ont décerné 7 césar (dont celui de meilleur film). Il y est question de temps qui reste, de sens à donner à sa vie, de notre monde numérisé qui déshumanise. On y parle d’amour et de cynisme, d’inadaptés sociaux au coeur pur. On y pleure en riant, on y rit en pleurant, c’est léger et grave à la fois, sombre sans être noir, nihiliste et plein d’espoir, gentiment niais parfois. On pense à Vian, Jeunet, Gondry, avec une touche punk. Le film idéal pour dire adieu aux cons… finement.