Je divulgâche.


Je n’ai pas compris l’engouement autour de 『Adieu les cons』. Réellement, je ne l’ai pas compris. Je n’ai pas compris les critiques positives que j’ai lues à son sujet ; je n’ai pas compris non plus tous les césars qui lui ont été décernés — SEPT ! —, encore moins la cumulation du meilleur film et du meilleur réalisateur : c’est réellement dans ce genre de cas que je ne peux pas m’empêcher de penser, outre des raisons éventuellement sociologiques, à l’entre-soi du cinéma français pour expliquer ce résultat (ce qui d’ailleurs n’est pas exclusif). Mais ça n’explique pas l’engouement plus large en-dehors de ce cercle.


Pendant quasiment tout le visionnage du film, je n’ai pas pu m’empêcher de câbler à plusieurs reprises tellement ce que j’avais devant moi était médiocre. Le film cumule les mauvais points comme s’il s’amusait à les collectionner. Déjà, le film cherche à toucher à tous les genres à la fois : un coup triste au début, un coup rigolo avec l’aveugle, un coup poétique avec la balade dans Paris. Le tout surplombé d’absurde débile. Quelle est donc ton identité film ? Que veux-tu me montrer exactement ? Pourquoi passes-tu ainsi du drame au comique aussi rapidement ; imiterais-tu là la recette d’un film Marvel ? Mais pas trop non, car comme cela aura été maint dit et remarqué, le film veut rester léger en toutes circonstances — y compris lorsqu’il dénonce les patrons et les flics : bah oui, il ne faudrait pas être trop méchant non plus, il faut rester accessible au plus grand nombre, ne pas être trop partisan, ce serait dommage de se mettre trop de gens à dos. Non non, mieux vaut rester léger en effet — au prix d’être lourd, comme son humour aussi improbable que son drame, que les situations que le film montre : un aveugle qui fait le guet ; un hackeur qui hacke des ascenseurs en plein air et à la vue de tous leur faisant faire des montées descentes de parc d’attractions. Qu’on s’amuse ! Que c’est drôle ! Rajoutons donc un peu de mignon à cette tambouille : place au cliché du geek à lunettes isolé, qui maintenant profite de ses talents d’informaticien pour stalker la fille qu’il veut pécho tout en lui envoyant des lettres anonymes. Effrayant ? Non : craquant ! Et la fille en question craquera d’ailleurs, alors que le petit trouillard se fera « aider » par sa maman — quelle virilité attirante, digne du geek à lunettes vraiment ! Et puis modifions alors la trame de base du film, pour embrayer en note de fin sur une amourette sortie de nulle part avec notre cher Dupontel en acteur principal qui pourra profiter d’un bisou improbable de l’autre personnage principale incarnée par Efira. Petit coquin va. On sent que les deux personnages ont bien apprécié leur petite dernière virée d’un jour, leur petite fantaisie d’un moment — ce que le film veut montrer avant tout ; mais c’est tellement mauvais, c’est tellement mal amené, tout sort tellement de nulle part, tout est tellement improbable. De la poésie ? De la pitrerie surtout. Vraiment, allez lire des mangas shoujos ; même la plupart des plus mauvais mangas de ce genre-là sont mieux racontés et plus cohérents que ce film. Au moins dans ces derniers on ne nous sortira pas des Alzheimer qui se guérissent à deux scènes d’écart. Et puis le coup des personnages "à l'ombre de la société"… mais vraiment ? Un informaticien au service de l'État et de grandes entreprises, et une coiffeuse ? C'est ça les rebuts de la société ? Mais qu'aurait dit Victor Hugo ?


Mais soyons quelque peu positif ; rendons à César (ou bien aux césars ? mais il y en a déjà tellement !) ce qui est à lui. Le film dispose de quelques jolies scènes, bien que cela soit plutôt des sortes de plans animés que de réelles scènes. Celles-là, ces jolies scènes, ne disposent en effet pas de dialogue : il ne s’agit que de moments succincts à l’écran, très imagés, presque photographiques : je parle bien sûr de la fameuse scène de l’escalier ; de la scène de coup de feu à la fin (là, je parle très spécifiquement du plan des coups de feu) ; et de la scène « diaporama » de la balade dans Paris avec les fenêtres de la voiture montrant à la fois les personnages et les paysages parisiens dans leur reflet. Gentiment, on pourrait évoquer aussi les jeux de lumière du film (bien que ceux-ci n’apportent rien artistiquement).


Non mais voilà, vraiment, je n’ai pas aimé 『Adieu les cons』. Le seul univers où je pourrais excuser ce film, c’est de le voir sous l’angle d’un film pour enfants, lesquels se soucieraient justement peu de toutes les affabulations grotesques mises en scène. Peut-être est-ce enfin là l'explication de cet engouement : des enfants sous les traits de mineurs kantiens…

Byorne
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le 5 juil. 2023

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Byorne

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