A l'origine, il y a un fait divers survenu en 1971. "La fusillade de Puteaux" renvoie à un colleur d'affiche socialiste tué par un potentiel groupe de partisans du maire en place. Le procès de 1974 amènera le fameux Charles Ceccaldi-Raynaud à passer devant les tribunaux. Il sera condamné à une amende de 200 000 francs de dommages et intérêts, certains employés de mairie étant impliqués dans le meurtre. L'affaire inspire rapidement le cinéma avec tout d'abord Il n'y a pas de fumée sans feu (André Cayatte, 1973), puis Adieu poulet, lui-même inspiré du roman de Raf Vallet (1974).
Si le début du film renvoie directement à l'affaire avec l'assassinat lié à la politique, le reste du scénario de Francis Veber renvoie davantage à une enquête classique. Mais là où l'auteur du Dîner de cons et le réalisateur de La Veuve Couderc se font plaisir, c'est avec le flic incarné par Lino Ventura. Il est la figure incorruptible que l'on veut faire tomber par tous les moyens. Un politique froissé ? On opte pour une promotion bien loin de la ville. Quand il va trop loin dans l'enquête, on opte pour de soi-disant pots de vins, des magouilles ou une mise à l'écart. On voit Ventura subir une vendetta personnelle prenant des proportions incroyables.
On pourrait penser que le politique joué par Victor Lanoux (très éloigné du sympathique Louis la brocante) est le grand manitou, mais le pire cas reste celui joué par Julien Guiomar. Supérieur de Ventura et Dewaere, il est la figure de poids qui peut vous broyer en un clin d'œil. Si Dewaere incarne le sidekick sympathique de Ventura, Pierre Tornade est son opposé. Le commissaire sera montré plusieurs fois sur le terrain, quitte à passer à l'action au poing ou au flingue. Mais son successeur est plus pantouflard. Le dialogue entre les deux cocos n'en devient que plus croustillant, Tornade apparaissant comme un lâche préférant rester dans son bureau ; et le final ne fait que confirmer son impuissance et son incompétence.
Le procès fait à Ventura par le juge Claude Rich est celui de ses supérieurs et il paye pour eux. L'affaire n'est qu'une trame de fond pour montrer une hiérarchie bouffée par les jeux de pouvoir et incapable de se remettre en question. La fin n'est donc pas un vulgaire "tout ça pour ça". Il est au contraire un magnifique pied de nez orchestré par un Francis Veber qui n'a rien perdu de son mordant en passant au polar. Si Ventura s'est fait malmené tout le long du film, c'est à lui de rendre la pareille.
Adieu poulet aurait pu être un film dossier comme le cinéma français en raffolait dans les 70's. Mais il s'avère être un polar efficace avec un casting solide, dégommant une certaine image de la justice. Au final, personne ne la rendra.