Ce film réalisé par Pierre Granier-Deferre en 1975 est tiré d'un roman éponyme de Raf Vallet paru en 1974 au n°1 de la collection Super Noire chez Gallimard (satellite de la collection Série Noire …). Comme j'ai le livre, j'en ferai bientôt la critique …
Voilà, pour moi, un bel exemple du polar des années 70 qui me parait assez caractéristique de cette "qualité française", tant décriée par la Nouvelle Vague.
On y trouve, à petite dose et sans excès, tout ce que j'aime bien trouver dans un polar : une bonne intrigue avec des à-côtés un peu sulfureux, une action et une tension qui ne faiblit jamais, un peu d'humour noir, un second degré permanent dans les mises en situation, un peu de suspense, un casting hors pair entre des acteurs principaux et des seconds rôles tous aussi excellents et parfaitement menés. Une réalisation solide dans la ville de Rouen ou ses environs immédiats qu'on reconnait parfaitement (palais de justice, hôtel de ville, ...)
Les à-côtés sulfureux sans excès concernent deux thématiques :
- La première au tour du sexe avec la mort d'un homme haut-placé dans un claque de standing ; attention, rien de graveleux mais du jubilatoire comme la scène avec le lit à ressorts automatiques et le fou-rire spontané de la prostituée …
- La seconde autour de la politique et la réélection du maire qui semble être d'un parti d'extrême droite, en tous cas d'un parti très conservateur qui mise sur la propreté en politique. Et c'est un peu raté avec les meurtres d'un colleur d'affiche et d'un flic.
Mais ces deux thèmes ne sont qu'un habillage scénaristique et ramène les affaires traitées à de purs faits divers. Le film se refuse à être porteur du moindre message ou de la moindre thèse. Le polar traite de faits divers et il est juste amusant et piquant d'y voir impliqués des gens qu'on ne s'attendrait pas à voir là.
Le casting est bâti autour d'un tandem de flics Lino Ventura et Patrick Dewaere. Les deux personnages sont très différents, l'un ayant l'âge d'être le père de l'autre, l'un flic vieux briscard classique et l'autre déjanté, iconoclaste et truculent. L'association contre-nature des deux personnages conduit à une complicité très savoureuse comme la scène où ils sont torchés et heureux au petit matin, sur un banc dans un square en train de détailler les raisons pour lesquelles ils ont fini par devenir flics …
Face au tandem Ventura/Dewaere, Julien Guiomar, grand chef de la police, soucieux de l'ordre mais sous la pression constante du maire et de l'homme politique joué par un Victor Lanoux tout en rondeur. J'adore sa visite dans un hospice en train de faire de la retape auprès des petits vieux pour qu'ils aillent voter (pour lui) … ou sa volte-face pour tenter d'amadouer le dinosaure Ventura qui savoure… Du grand art.
Qui encore ? Pierre Tornade en commissaire fanfaron et peureux dont on sentirait presque l'humidité du slip …
Claude Rich en inspecteur IGS maniaque, salivant à l'idée de se payer un commissaire
Spoiler : et qui se fait manipuler en toute beauté.
Et puis Michel Peyrelon, Claude Brosset, Dominique Zardi (en accidenté qui n'a pas de pot), Françoise Brion (en tenancière du bordel), Jacques Rispal, Michel Beaune, … chacun apportant sa petite touche.
"Adieu Poulet" c'est le film noir qui n'a plus grand-chose à me cacher tellement je l'ai vu et revu de sa sortie en 1975, à ses nombreuses retransmissions à la télé et maintenant en DVD. C'est un film noir jubilatoire que je prends toujours plaisir à revoir afin de retrouver le petit geste de l'un, la réplique de l'autre, les petites pièces de monnaie qui tombent, la gifle de Ventura, la tenue de la fille qui distribue les tracts, etc …
La bonne vieille qualité française, quoi.