Adoration
nom féminin
1.
Culte rendu à un dieu, à des choses sacrées.
2.
Amour fervent, culte passionné.
Il y a deux types réalisateurs qui tournent en 35mm. Il y a ceux qui font de la merde car pour eux il ne s'agit que d'un gimmick et ceux qui arrivent à en tirer des images superbes. Fort heureusement, Fabrice Du Welz fait partie de la deuxième catégorie.
Impossible de situer le récit précisément dans le temps et dans l'espace. En effet, le temps semble s'être comme figé au dernier siècle. Un smartphone furtif, quelques secondes seulement, pour seul marqueur temporel, nous rappelle que ça se passe maintenant. Idem pour le lieux, éloigné de "dix mille kilomètres" de la Bretagne comme unique repère géographique. Ces éléments contribuent à placer les personnages dans un endroit en dehors de toute réalité tangible. Ambiance onirique assurée.
Certaines personnes amoureuses sentent le temps s'arrêter autour d'eux, c'est peut-être ce que vivent les personnages principaux.
Construits comme le reflet l'un par rapport l'autre : un garçon et une fille, bleu et rouge, calme et impulsive, empathique et sociopathe, prolétaire et bourgeois.
Cependant, Paul et Gloria entretiennent tous les deux des rapports difficiles avec leur famille. Tous les deux se sentent oppressés par un (voire un non) entourage. La liberté (et ce chacun est prêt à lui donner) est justement un thème central du film à l'image à l'image des nombreux oiseaux qui apparaissent à l'écran. Éternels figures d'un état de liberté sans bornes.
Sur leur chemin, ils croisent d'autres bipèdes comme eux, mais plus âgés. Dont un troublant mais touchant gardien de nécropole (Benoît Poelvoorde). Les personnages secondaires ont le mérite d'être bien écrits et convaincants.
Aimer une personne cyclothymique n'est pas aisé. Quiconque ayant fait l'expérience ne pourra qu'être d'accord. Ici, nous dérivons avec les protagonistes entre la beauté de leur monde et la laideur du notre.
C'est avec une direction sublime de ses jeunes acteurs, une image maîtrisée et une histoire touchante que Fabrice Du Welz nous fait voyager. Adoration est un objet unique dans ce paysage cinématographique moribond qui se morde la queue. Et putain, ça fait du bien !