Ce confinement m'a permis d'enfin voir deux daubes qui me faisaient de l'oeil depuis plus de 15 ans : Doomsday (qu'était loin d'être aussi mauvais) et l'infâme Aeon Flux, et a remis en question l'intégrité de mes désirs d'enfant. Parce qu'Aeon Flux est une purge dès les premières secondes où se dévoile son univers, son esthétique flashie tirée de chez MTV le réduisant au statut de sous- Matrix de plus dans un paysage cinématographique des années 2000 majoritairement désastreux pour la pauvre dame Science-fiction.


La présence au casting de Charlize Theron (jeune, qui plus est!), secondée dans sa tâche de quelques seconds couteaux sympathiques (en tête de liste, Johnny Lee Miller et Pete Postlethwaite), ne laissera qu'un réconfort éphémère, encore que la suivre en tenue de cuir moulant, même si c'est censé servir l'esthétique et faire baver les fans de l'actrice, aura ceci de vulgaire que Karyn Kusama (également réalisatrice de Jennifer's Body) nous signifiera tout le mépris qu'elle a pour son public.


C'est qu'elle nous prend pour des vaches à lait, pour ces bourrins qui ne trouvent les films bons que quand ils contiennent des culs moulés et des teintures brunes assorties aux tenues de héros de SF. Tout cela pour nous dissimuler qu'elle est incapable de diriger ses acteurs : outre la performance inexistante de ses acteurs secondaires, *Thero*n, qui n'y croit pas, ne fait aucun effort non plus pour rendre son personnage attachant et rendre crédible son histoire d'amour à twists (et bordélique) avec Marton Csokas, qui campe ici un faux méchant vraiment peu marquant en guise de second personnage principal.


Il amène au bordel ambiant l'ampleur désirée des films à rebondissements consécutifs, sans pour autant que le spectateur ne soit plus intéressé par la bouillie qui se déverse à l'écran, et se persuadant d'être complexe, ne fait que rendre encore plus brouillon et incohérent un univers SF à des années lumières de ce qu'il faut faire pour construire un long-métrage crédible et solide. C'est qu'il s'engouffre dans une affaire de clonage inepte, enchaînant sur un ton tragique et un amour impossible qui pourrait se muer en passion paisible, amenant à l'intrigue sa dose de trahisons suffisante pour ne pas être aussi linéaire que l'est sa première heure.


Devant la bêtise du scénario, il sera déconseillé de se rabattre sur ses dialogues, qu'on aurait pu espérer porteurs de thématiques et de pistes de réflexion : n'oublions pas que l'on parle d'Aeon Flux, et que les scénaristes n'avaient visiblement pas d'autre but que celui de surfer aussi simplement que possible (il ne faudrait pas se crever à la tâche) sur la vague déjà asséchée du phénomène planétaire Matrix.


Il ne s'agira pas non plus de se réconforter en se concentrant sur la qualité de sa mise en scène : à vomir, elle rate la majorité de ses cadrages, perd pied dès son introduction en multipliant les effets épileptiques (flashs blancs, zooms et dézooms, plans accélérés et filtres blancs dans la dimension de l'esprit (oui, il y a au moins deux dimensions dans ce film), ne trouvant pour autre source d'inspiration que la fameuse esthétique MTV déjà citée (quel moment affreux de voir à l'introduction le logo MTV s'afficher dans une police datée).


Question esthétique, il n'aura droit à aucune rédemption : son montage abominable et anarchique accouplé à sa gestion désastreuse de la lumière (on dirait, parfois, qu'elle est créée à l'informatique) accablent un visuel déjà bien entamé par ses allures de marécage artistique douteux et peu recommandable, semblable, c'est certain, à d'autres daubes bien senties : souvenons-nous de la fin d'une époque, Starship Troopers 3, de la fin présumée d'une carrière, Les Aventures de Shark Boy et Lava Girl, et de la mort cérébrale d'une franchise pour enfants, Spy Kids 3,...


L'horreur se compte aussi en décors et en costumes : cette reprise parodique du Jardin d'Eden protégeant l'humain artificiel du monde naturel (c'est un film écologiquement engagé) - à moins que ce ne soit l'inverse - à l'architecture pompée sur les grecs et les romains de l'Antiquité (gardez le pour vous, le film est censé être avant-gardiste) avec des plantes en CGI tous datés et des graines qu'on se passe d'une langue à l'autre pour planer, dissimulé par des herbes rampantes, contextualisent magnifiquement ce futur "dystopique" aux maquillages de couleurs de fanfares excentriques apposés sur des costumes directement tirés de Retour vers le futur 2, avec l'outrance chromatique et géométrique de la science-fiction des années 60.


Ajoutons à cela une morale désespérante sur le pouvoir poussant à la trahison ainsi qu'à l'aliénation consentie, sur une humanité qui doit se débarrasser de ses élites pour se retrouver, et changer sa vision du monde par l'abandon de ce qui fait la civilisation et la modernité pour mieux vivre en communion avec la nature : revenons à l'âge de Pierre (15 ans), et nous pourrons envisager de partager des parcelles de terre et de forêt.


Tout cela serait comique à l'absurde si Aeon Flux ne pompait pas allègrement le principe génial et révolutionnaire du Dark City d'Alex Proyas (qui mena à ce sujet une carrière aussi désespérante que celle de Robert Rodriguez), reprenant en se persuadant de son propre talent les grandes lignes d'une oeuvre fantastique, sans jamais comprendre le dixième de sa réflexion philosophique.


Recopier à l'interro sans avoir compris la leçon n'est jamais bénéfique au mauvais élève, et Aeon Flux en a fait les frais.

FloBerne

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