Le masqué, il radote un peu, parfois. Il parlait ainsi à l'occasion de The French Dispatch du fait de brûler les idoles, alors que Wes Aderson faisait, après tout, du Wes Anderson, soit ce pourquoi le cinéphile avait payé sa place.
Sauf que le cinéphile devient exigeant, parfois à mauvais escient. Car Wes Anderson commencerait presque à ennuyer, à en écouter certains.
Même quand Scott Cooper, autre enfant chéri, sort apparemment de sa zone de confort, c'est pareil. C'est que le cinéphile exigeant trouve souvent à redire, au prix parfois d'une belle schizophrénie.
Sauf que dans le cas d' Affamés, Scott Cooper ne fait pas dans la critique sociale a priori, ou un western fordien. Non, il s'attaque à un genre beaucoup moins noble : le film d'épouvante pur et dur. Il n'y aura donc pas à commenter, pour se monter en épingle, un quelconque détournement, ou encore à plastronner devant de l' elevated horror, que l'on dégaine souvent avec son petit air dégoûté comme pour signifier un truc du genre : "ce n'est pas que de l'horreur, je suis un réal qui pense et qui vaut mieux que ça".
Et si le film ne cesse d'arpenter le chemin des conventions du genre, force est de constater que Affamés bouffe celui-ci corps et âme et que l'oeuvre, elle, s'inscrit de manière terminale dans la thématique chère à Cooper : les violentes et noires obsessions de l'homme.
Alors que le spectateur pourra penser, en certaines occasions, aux toutes premières saisons de la série X-Files, Scott Cooper sert quant à lui avec Affamés un drôle d'hybride, entre Les Brasiers de la Colère, pour la ruine de l'Amérique industrielle et le désarroi de sa population laissée pour compte, et Hostile, s'agissant de la destruction de l'identité amérindienne.
En y ajoutant un regard sur la perte des racines, de la culture, de nos origines, le temps d'un cours sur les mythes et légendes, qui ferait presque aussi peur que la sublime créature mise en scène par le réalisateur. Une créature qui viendra braconner du côté de l'addiction, du look du drogué puis de l'infecté, pour ensuite lorgner vers Alien et Razorback, comme si elle surgissait du coeur de l'humanité pour en punir les instincts destructeurs et de spoliation.
Il résulte ainsi d' Affamés une atmosphère d'une noirceur assez suffocante, d'une violence intérieure qui vient souiller l'innocence et la réduire en esclavage. Certains parallèles dessinés pourront dans ce cadre apparaître grossiers, mais l'oeuvre trace sa route sans jamais se retourner, et surtout sans jamais chercher à plaire ou à relativiser ses images d'horreur et d'épouvante éclaboussant l'écran, laissant le train fantôme des productions actuelles en gare.
Les mots avec lesquels Affamés raconte son histoire sont sombres et rugueux. Scott Cooper, lui, y croit dur comme fer, livrant une oeuvre horrifique adulte d'une noirceur implacable où les personnages, comme les décors de l'Oregon, paraîtraient presque morts à l'intérieur.
Un autre visage funèbre de l'Amérique.
Behind_the_Mask, la mort en héritage.