Une scène de rave ponctue de manière métronomique Aftersun. Des effets de lumière stroboscopiques découpent une silhouette au milieu de la foule. Un moment, elle révèle un visage sur lequel on pense lire une émotion. L'instant d'après, c'en est une autre. Puis encore une autre, et ainsi de suite pendant une trentaine de secondes. C'est l'une des nombreuses trouvailles de Charlotte Wells - dont c'est le premier long-métrage - pour représenter la mémoire et son fonctionnement (images fragmentaires, sensations, interprétation libre selon l'âge et le point de vue).

La réalisatrice usera d'autres procédés métaphoriques et c'est fréquent pour les premiers films, où on a tendance à charger la symbolique par peur de la laisser filer. Ses autres outils se concentreront dans une mise en scène épurée mais précise pour traduire cette mémoire qui faillit. Vidéos camescope, jeux sur les réflexions, les échelles de plan, les personnages réduits à une parcelle du cadre, ou une silhouette au second plan ; Wells pense méticuleusement à faire partager le trouble de Sophie face à sa grande énigme : son père. Le style se reflète jusque dans le choix de faire durer les séquences, de jouer sur les silences, la contemplation, ...En somme, les choses que beaucoup auraient coupé, jugeant préférable de pointer, voire surligner.

La grande beauté de cette fin d'enfance entre douceur et peine repose sur la grande adresse à suspendre, interroger, laisser respirer ces souvenirs et enfin émouvoir. Pour mieux imprégner la pellicule des émotions contraires entre Sophie aux portes des émois adolescents et un Calum qui enchaîne les hauts et les bas. Paul Mescal habite ce père de famille jeune mais déjà cassé. Par un simple regard, son visage impassible fait communier joie et/ou tristesse avec une grande puissance. Frankie Corio mérite autant d'éloges, absolument parfaite de naturel malgré la difficulté du rôle de Sophie. Une fin d'enfance douloureuse mais emplie de grâce.

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le 2 févr. 2023

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