Signé George Cukor, The Model and the Marriage Broker (titre original), est une bonne surprise. Mae Swansey (Thelma Ritter), femme mûre qui s’y connaît en affaires, tient l’agence matrimoniale Contacts and Contracts en plein New York. Notre marieuse est assistée d’un certain Doberman (Michael O’Shea), son homme de confiance avec qui elle finit ses journées en jouant à la belote. Outre ses contacts à l’agence, Mae Swansey organise des rendez-vous dans son salon, le dimanche. Elle fait même en sorte que certains de ses invités ne sachent pas qu’il s’agit de rendez-vous arrangés. En effet, elle sait bien que beaucoup ne supportent pas de savoir leurs histoires de cœurs arrangées ou dépendantes de l’inspiration de tiers. Aujourd’hui, la grande majorité tente de provoquer le hasard sur des sites Internet.
L’aspect comédie se dégage d’emblée, avec l’attitude de l’un des clients de l’agence : un homme entre deux âges qui cherche à faire bonne contenance, alors qu’il est timide et pas vraiment gâté par la nature. Heureusement, Mae Swansey connait bien son métier (sur ses placards publicitaires, elle s’engage en annonçant « Succès garanti. »). Bien évidemment il y a du boulot, car nombre de ses clients (clientes) manquent un peu de charisme (doux euphémisme). Les tentatives de rapprochements font bien sourire. Ainsi, le client du début va jusqu’à raconter comment il s’y est pris avec celle qui a bien voulu sortir avec lui. Malgré les conseils de Mae Swansey, qu’il suit de son mieux, son tempérament maladroit ressurgit immanquablement.
Le film ne se contente pas de provoquer l’amusement (facile), en montrant des approches timides ou maladroites. Il décolle avec une séquence assez hilarante, quand Mae Swansey propose, un dimanche chez elle, un jeu qui va se révéler une source incroyable de situations propres à provoquer le rapprochement entre individus de sexes opposés qu’elle associe pour la circonstance. Le jeu provoque l’enthousiasme d’un père de famille que l’organisatrice tempère comme elle peut. Le but est de détendre l’atmosphère. Le réel objectif de Mae Swansey, c’est bien entendu le mariage, puisque c’est à ce moment-là qu’elle touche une prime prévue par contrat.
Et puis, Mae Swansey tente de caser Matt Hornbeck (Scott Brady), qui travaille comme manipulateur en électroradiologie médicale. Un homme qui ne gagne pas très bien sa vie mais qui plait aux femmes. Il s’apprêtait à en épouser une, dénichée par Mar Swansey, mais il a pris ses jambes à son cou au dernier moment. Alors, le mariage très peu pour lui. Par contre, fréquenter des femmes pour des relations épisodiques, il n’a rien contre (le film date de 1951). Bref, en bonne marieuse, Mae Swansey le considère comme un parti de choix et le sollicite régulièrement.
L’autre personnage principal du film, Mae Swansey la rencontre par hasard, à la suite d’un quiproquo. Il s’agit de Kitty Bennett (Jeanne Crain) qui travaille comme mannequin et qui a le physique de l’emploi. Or, Mae Swansey apprend par une indiscrétion que Kitty est éprise d’un homme marié.
Mae n’aura de cesse de rapprocher Kitty et Matt, ne réalisant pas qu’ils pourraient se passer de ses services et laisser faire leur penchant naturel. Mais, les relations de Mae avec Kitty ont commencé sur un quiproquo, d’autres vont suivre pour compliquer l’histoire. Le meilleur est sans doute celui qui voit Mae tomber dans le panneau qu’elle tend régulièrement à ses clientes et clients. On n’a guère de doute sur l’issue de l’histoire entre Kitty et Matt, mais le film réserve de bonnes surprises. Tout ce qui se passe autour du personnage d’Hazel Gingras (Nancy Culp) souligne la qualité de la mise en scène, un jeu d’acteurs-actrices irréprochable, le tout au service d’un scénario solide. Sa sœur qui souhaite la caser, car elle vit chez elle depuis trop longtemps, présente Hazel à Mae en cherchant à la faire passer pour plus jeune et disposant d’un petit magot. Hazel est du genre grand échalas maigre comme un clou, assez réservée. A 40 ans, elle pleure encore un fiancé envolé. Elle fait très empruntée et franchement peu attirante, mais on la voit se métamorphoser et se révéler au fil des péripéties, en particulier lors de la séance de jeu chez Mae où elle se décoince pour s’amuser. On la verra plus tard beaucoup plus à l’aise dans une scène où elle croise Kitty qui défile dans l’exercice de son métier.
Voilà donc un film (1h43) qui mérite la découverte et qui n’a pu que contribuer à la réputation de son réalisateur qui signe ici une comédie romantique sans prétentions mais réussie, grâce à un scénario (cosigné Charles Brackett, Walter Reisch et Richard L. Breen) qui réserve bien des surprises. On regrette un peu que New York ne soit que peu montrée, car l’essentiel se situe en intérieurs. On remarque néanmoins quelques immeubles typiques, avec des angles de rues impossibles. L’image au format 4/3 bénéficie d’un noir et blanc de qualité.