Adaptation d'une série TV des années 60. Que je n'ai jamais vu, mais qui devait être bien cool, puisque les rôles principaux étaient tenus par Robert Vaughn et David McCallum, avec un générique de Jerry Goldsmith et une musique de Lalo Schifrin. Ce qui m'a convaincu de regarder ce long-métrage malgré ma méconnaissance de l'original, c'est d'une part la présence de Guy Ritchie à la réalisation, et d'autre part une bande-annonce prometteuse, faisant miroiter une histoire se déroulant en pleine Guerre Froide, à l'époque où les antagonistes étaient des méchants communistes russes et non des barbus fanatisés dans un désert. Cela avait quand même plus de gueule. D'ailleurs, X-Men First Class ne s'y était pas trompé, de même que les plans les plus réussis du récent Ant-Man.


Il fallait vraiment que tous ces éléments aient attisé ma curiosité, pour me pousser à me rendre au cinéma à un horaire que je préfère éviter (la fin d'après-midi). Pour cause : le multiplexe local ne propose qu'une séance par jour depuis le début de son exploitation, alors qu'il possède près d'une dizaine de salles et que rien dans l'actualité ne justifie leur réquisition pour une production plus porteuse. J'en profite pour pousser un petit coup de gueule avant de revenir à ma critique proprement dite : The Man from U.N.C.L.E ne fonctionne pas, et son exploitation n'engrangera probablement même pas de quoi se rembourser, mais en même temps, une distribution aussi faible montre clairement que la Warner Bros. a déjà abandonné tout espoir le concernant. Je doute qu'en partant perdant comme cela, ils avaient de grandes chances de rencontrer le succès. Point positif : nous n'aurons jamais à nous infliger une suite - la dernière réplique et le générique de fin indiquant clairement que le studio essayait de lancer une nouvelle franchise.


Le postulat de base : dans les années 60, un agent américain et un soviétique, lesquels ne peuvent évidemment pas se supporter, doivent coopérer pour retrouver un savant atomiste enlevé par une organisation criminelle. Simple et efficace. La bande-annonce donne l'impression que le film est bâti comme une histoire d'espionnage avec un peu d'humour, mais concrètement, c'est exactement l'inverse : une comédie avec de l'espionnage, les personnages oubliant parfois le but de leur mission pour se concentrer sur leurs relations tumultueuses. Ne soyez donc pas surpris. Je pourrais reprocher au réalisateur son ton flegmatique et nonchalant, mais qui ici fonctionne dans la mesure où il s'agit vraiment d'une comédie, et non d'un film d'action se sentant obligé de dédramatiser sa violence ou ses aspects les plus outranciers, lesquels risqueraient de perturber les spectateurs souffrant d'un manque cruel d'imagination.


Toutes ces spécificités évoquées, que pouvons-nous dire de The Man from U.N.C.L.E ? En un mot : la classe. Ce long-métrage suinte la classe par tous les pores, entre sa reconstitution des années 60, le milieu aisé dans lequel les protagonistes mènent l'enquête, et surtout les personnalités de ces-derniers. L'Américain - même s'il paraitrait plutôt britannique, sans que je sache si cela provient de la série ou de la volonté d'un cinéaste qui n'a pas encore eu l'opportunité de réaliser son James Bond - est un dandy roublard, voleur, menteur, et séducteur, tandis que son homologue russe est un parangon d'honnêteté et de professionnalisme, mais avec quelques difficultés pour gérer ses émotions. Leur duo fonctionne à merveille, que ce soit dans leur opposition ou leur complémentarité sur le terrain. Entre les deux, nous trouvons une mécanicienne allemande, fille du savant enlevé, censée se faire passer pour la fiancée du Russe, pour un résultat qui perturbe énormément ce-dernier ; elle ne se contente pas de jouer les demoiselles en détresse, et possède au contraire un sacré répondant.


L'histoire se déroule en grande partie en Italie, parfaite excuse pour sortir une bande-originale lorgnant largement du côté du cinéma de genre local de l'époque. En regardant le film, j'ai cru que Guy Ritchie avait joué les Quentin Tarantino, et pioché vigoureusement dans les travaux de Luis Bacalov et Ennio Morricone. Alors que, étonnamment, non : une seule musique de ce-dernier a été réutilisée, pour le reste, il s'agit majoritairement de thèmes composés pour l'occasion, mais dans l'esprit mentionné plus haut. Cela me parle.
Dans le même ordre d'idée, même si cela tient plus du gadget, la photographie a aussi été pensée pour reconstituer l'ambiance des productions des années 60.


La première qualité de The Man from U.N.C.L.E reste peut-être son rythme savamment élaboré, qui permet de ne jamais s'ennuyer une seule seconde. Le film s'ouvre à Check-Point Charlie, pour enchainer sur une course poursuite inventive et dynamique dans les rues de Berlin Est. Par la suite, comme indiqué tantôt, cela fluctue énormément, avec quelques pures scènes d'action, et d'autres avant tout comiques. L'avantage de proposer deux héros aux caractères si diamétralement opposés, c'est que cela se traduit dans les différents styles employés par le réalisateur. Quand l'Américain apparait seul à l'écran, il joue les séducteurs indolents, il ruse, tandis que lorsque vient le tour de son homologue russe, celui-ci a plus tendance à jouer des poings tout en maintenant au mieux sa couverture. Ce que j'appellerais arbitrairement la scène du port résume à elle-seule ces approches antagonistes, mais il faudra me faire confiance dans la mesure où je vous laisserai la surprise.


Si je devais lui trouver un défaut, ce serait une utilisation pas toujours heureuse de l'image de synthèse pour les reconstitutions - la poursuite en voitures dans Berlin posséderait de faux airs de Speed Racer à cause de cela - ou les cascades. Car s'il dispose d'un budget conséquent - 75 millions de Dollars - ce n'est pas non plus celui d'une Marvelerie.
Il n'empêche que, dans sa conception même, il s'agit d'une production qui fait plaisir : un film de studio, à fort budget, mais laissant tout loisir à son réalisateur de s'exprimer, d'imposer ses choix artistiques, loin de tout conformiste ou standardisation. Ce qui suffit à le rendre digne d'intérêt (et à le transformer en échec commercial).
J'ai adoré The Man from U.N.C.L.E, en tant que divertissement d'une efficacité exemplaire faisant preuve d'une authentique personnalité. Guy Ritchie signe un long-métrage au rythme enlevé, aux protagonistes forts, et réellement drôle. Je ne peux que vous enjoindre à aller le découvrir en salles.

Ninesisters
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le 30 août 2015

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