Perdu dans le paysage escarpé, froid et chaleureux à la fois, sans fin : chaos uni.
Noyée entre désespérance et espérance, cette société en miniature improvise ici sa dernière oeuvre, la seule qui sera vraiment à leur image : leur Dieu, l'El Dorado.
Ici, les rois classiques n'ont plus rien de roi. Ici, Aguirre se démarque, fascinant, effrayant, comme les autres. Ici, au fur et à mesure, on se centre sur lui, l'atmosphère personnifiée. Ici, on danse la valse en la jungle, avec un premier temps où tous semblent unis dans leur ressemblance, avec un deuxième temps où je me retrouve avec d'un côté les "gentils" et de l'autre les "méchants", avec un troisième temps où tous sont à nouveaux unis... mais cette fois ci parce qu'ils sont tous seuls.
C'est dans cette vraie souffrance que je retrouve ce qu'est le vrai amour... Un amour qui abonde de tous les côtés, par lequel on distingue une folie montrée dans la pudeur. Délicatesse d'un regard, caresse d'une main. Tous savent tout, tous font comme si ils ignoraient. Tous touchant, tous affreux. La réalité m'est si surréaliste.
Vive Aguirre ! Celui qui nous réapprends ce que nous sommes par son naturel : des fous qui inventent le progrès, des fous qui inventent la démocratie, des fous qui inventent les sciences au lieu de l'art, des fous qui oublient d'inventer ce qui est à inventer, le néant, des fous qui se mentent tous, des fous qui ne veulent au fond que revenir à la sauvagerie naturelle, fascinés par les sauvages qui sont fascinés par eux, ces héros assassinant le mythe du héros, tous héros d'eux même et de personne d'autre.
Ici, le Dieu que nous nous inventons n'a pas fini la création. C'est pourquoi ce n'est qu'ici que nous pouvons nous retrouver, dans le non fini, l'infini de la rivière.
Qui est avec Aguirre, si ce n'est le Dieu qu'il s'invente, ce Dieu qui n'est autre que lui-même, car il n'y a personne d'autre. Et alors, la caméra tourne en rond.