Dérive sur un fleuve nommé Folie
(Cette critique peu contenir des spoilers minimes, sur des détails anecdotiques du films, mais aussi sur les thèmes abordés. Je tiens à le préciser.)
Des colons espagnols mènent une expédition pour trouver Eldorado, la célèbre cité d'or, mais, complètement exténués par des semaines de marches et par une forêt amazonienne au climat difficile, décident de se diviser, et de laisser un groupe sur la terre ferme, et un autre groupe composé des plus grands guerriers partir en éclaireur sur des radeaux sur le fleuve.
C'est ce groupe que l'on suit, ce groupe en dérive sur le fleuve Amazone, ce groupe premièrement sensé trouver un village chrétien pour récupérer des vivres qui trahira les siens pour partir seul, mené par Aguirre, à la recherche de l'Eldorado. Mais cette cité, il est annoncé dès les premières secondes du film qu'elle n'est qu'une fable inventée par les indiens, et nous suivons donc ce groupe en pleine dérive, en pleine folie, mener une quête dangereuse perdue d'avance.
Mais peu importe les dangers, ces colons, tous abreuvés par les récits de conquêtes de Cortez qu'ils considèrent comme un exemple, rêvent d'or, de domination et de pouvoir. Au point qu'ils en finissent par trahir jusqu'à leur pays pour fonder entre eux une nation sans limite.
Véritable fable sur la malice perfide qu'apporte la passion du pouvoir, la folie qu'elle engrange, le film dérange dans le fait qu'il montre des personnages inconscients, sans morale, même ce prêtre qui a l'idée d'obtenir une croix en or affiche à sourire plein d'avidité juste... dérangeant.
Le pouvoir est un des thèmes du film, mais s'ajoute à lui celui de la peur. La peur constante des indiens, ennemis invisibles qui tuent dans la plus grande discrétion. La peur du bruit, la peur du silence, la peur du mouvement, la peur de l'absence de mouvement. Peur paranoïaque, ravageant l'esprit autant que le fait l'appât du gain, autant que la fièvre et la faim, mais aussi autant que la peur qu'inspire ce leader, Aguirre.
Aguirre, interprété par un Klaus Kinski fascinant, brillant de justesse, dérangeant. Sa carrure, sa gestuelle, sa voix, tout est pour lui donner ce charisme de fou emblématique. Son regard transperce, sonde, jusqu'à déranger même le spectateur.
Aguirre qui déjà n'était pas très net au début, va le devenir de moins en moins au fil de la dérive, au fil de cette quête de folie où il va n'en devenir que plus malsain, plus perturbant, et juste jouissif à voir se mettre en place en tant que spectateur.
Film envoutant, porté par des plans plus magnifiques les uns que les autres, rappelant Apocalypse Now ou La ligne rouge (mais rappelons que ces films sont sortis après celui dont nous parlons). Une caméra maîtrisée nous plongeant complètement dans l'atmosphère dangereuse et sale de la forêt amazonienne. Mais qui paradoxalement nous offre une fin de toute beauté, parfaite sous tous les plans.
Ce film, ce chef d'oeuvre, nous immerge dans une descente aux enfers, au coeur de la folie, tout en n'oubliant pas de conserver une approche historique intéressante et réelle, nous montrant l'état d'esprit de ces hommes, de ces colons à l'esprit plein de pouvoir.
Aguirre, une fresque autant qu'un film. Un brillant chef d'oeuvre.
Juste magnifique. A ne manquer sous aucun prétexte.