Air est un « film qui rend heureux », un film qui donne la pêche.
C’est en tout cas ce que souhaitait Ben Affleck pour son 5e long métrage en tant que réalisateur (six ans après son précédent Live by Night) : ne pas traiter une histoire sombre, un drame ou un thriller violent, mais plutôt transmettre au public de bonnes vibes, une énergie dynamique et positive. Dans une interview de 2023, Affleck déclarait : « Je voulais faire une histoire pleine d’espoir. Je voulais que les gens se sentent bien, leur donner l’impression que de grandes choses peuvent se produire, sont possibles ».
Côté scénario, Ben Affleck a fait équipe avec son grand ami Matt Damon (ils étaient dans la même école, et ils ont par exemple scénarisés ensemble Will Hunting – pour lequel ils ont reçu l’Oscar en 1998 – mais aussi plus récemment Le Dernier Duel de Ridley Scott), en reprenant un script laissé à l’abandon d’Alex Convery, qui n’avait pas trouvé de financeurs.
Le film retrace l’histoire derrière la création de la Air Jordan 1, la sneaker la plus vendue et considérée comme la plus populaire de tous les temps, avec son célèbre logo de Michael Jordan sautant dans les airs. Plus concrètement, le film suit Sonny Vaccaro, le directeur du marketing sportif chez Nike (encore à l’époque une petite société comparée aux mastodontes concurrents tel qu’Adidas), qui voit dans le profil du jeune Michael Jordan une future étoile de la NBA et qui se met en tête de signer un partenariat historique avec lui. Or, les intérêts du joueur de baskets sont jalousement gardés par sa famille, et en particulier sa mère, qui est une coriace négociatrice.
Michael Jordan ne s’est pas directement impliqué dans le film (l’acteur qui le joue est d’ailleurs systématiquement montré en amorce, ou de dos), mais parmi les deux demandes de la légende du basket, l’une était que le rôle de sa mère soit joué par l’actrice Viola Davis, une amie de la famille de longue date, oscarisée en 2017 pour la meilleure actrice dans un second rôle pour Fences. L’autre requête était son collègue de terrain Howard White soit inclus dans le film.
La plus grande réussite d’Air est de transformer ce qui sur le papier s’annonçait comme un film de bureau, un long tunnel de négociations peu palpitantes, des offres et des contre-offres, en un long métrage « d’action » où les rebondissements stimulent en permanence le spectateur. Pour cela, notre Sonny est presque toujours à courir à droite à gauche, supportant une petite équipe scolaire locale, et n’hésitant pas à enfreindre les règles en se rendant directement au domicile des Jordan, quitte à se prendre une porte. Sa détermination en la capacité de Michael à devenir la plus grande légende du basket est admirable, et l’on se prend vraiment à vivre avec lui les espoirs et les déceptions de l’affaire.
Le montage est resserré et dynamique, à l’image de la séquence d’introduction qui retrace en quelques minutes l’ensemble de la pop culture des années 1980. Dès les premières images, le public est ainsi plongé dans un tourbillon d’énergie positive.
L’autre grande réussite à mon sens est bien sûr le jeu d’acteur, vraiment impeccable. Ben Affleck quitte ses airs de gros gorille à la Batman pour incarner un patron de boîte qui galère face aux budgets marketing colossaux des concurrents, tandis que Matt Damon, qui interprète Sonny, table sur un registre de bonhommie un peu bourrue. L’acteur avait pris du poids pour le rôle, et tout dans son costume transpire le fan d’un sport qu’il ne pratique jamais.
Les rôles secondaires sont tout aussi excellents, Viola Davis évidemment en mère douée d’un sens aigu de la négociation pour défendre les intérêts de son fils (le rôle de père de Jordan est tenu par Julius Tennon, qui n’est autre que son mari dans la vie), mais également Matthew Maher, qui joue Peter Moore, le concepteur et designer de la Air Jordan : un acteur de petits rôles (Wonder Wheel de Woody Allen, Marriage Story de Noah Baumbach, …) mais qui gagnerait à être exploités en tête d’affiche.
Air est un film assez inclassable, à mi-chemin entre le biopic, le drame, la comédie et le film de sport ; mais nous fait découvrir les dessous de l’un des plus grands succès commerciaux récents. Si le film est avant tout une fiction et se permet quelques libertés vis-à-vis du déroulé des événements (l’offre initiale de Nike n’était par exemple pas de 250 000$ par an, mais de 500 000 : le montant a été réduit pour les besoins scénaristiques et faire comprendre au spectateur que la marque n’était pas en mesure de rivaliser avec les offres concurrentes ; et il subsiste encore aujourd’hui des doutes sur l’identité de la personne au sein de Nike qui en premier a eu l’idée d’appeler la chaussure Air Jordan), le long métrage n’en demeure pas moins une jolie réussite.