Akira
7.9
Akira

Long-métrage d'animation de Katsuhiro Ôtomo (1988)

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Il y a 20 ans, le 16 juillet 1988 (1), Akira sortait dans les salles obscures japonaises. Adaptation animée du manga éponyme de Katsuhiro Otomo, ce film n’avait besoin d’aucune campagne marketing pour se faire connaître : en effet, dès ses premières planches parues dans les pages du bimestriel Young Magazine, presque 6 ans plus tôt, le manga original d’Akira s’était déjà imposé auprès des lecteurs, et de façon foudroyante, comme la nouvelle référence de la pop culture japonaise.


Avec son univers décadent et rouillé, son ambiance Mad Max (ultra-violence motorisée) et Blade Runner (futur immédiat inhumain), son urbanisme vertigineux mais étouffant, ses personnages principaux délinquants et motards toujours sur la ligne blanche, sa société presque totalitaire où l’individu disparaît face au groupe, Akira nous décrivait un monde en pleine dégénérescence qui n’allait pas sans nous rappeler le nôtre. Les lecteurs japonais s’y étaient certainement retrouvés…


« Kanéda et sa bande : des jeunes du centre d’insertion et d’apprentissage professionnel, des loubards auxquels l’avenir n’a déjà plus rien à offrir. Ils foncent dans la nuit, fuyant un monde qui les étouffe… » Difficile de poser une ambiance mieux que ça. Si caractéristiques des mangas, et donc si loin des clichés dus au politiquement correct du comics US ou au marché étriqué des BD franco-belges, les héros d’Akira permettaient aux lecteurs de s’identifier à eux : déchet de la société, ce gang à deux roues prend sa dose d’amphés avant d’aller se noyer dans les ténèbres de l’autoroute, là où l’attendent la bande rivale des clowns et les gyrophares de la police, mais aussi pas mal de haine et beaucoup de sang ; toute la recette d’un no-future bien barré, pour ne pas dire postmoderne.


Ils ont un avenir pourtant, du genre dont on ne se remet pas, fait entre autres de terroristes, de magouilles politiques, de militaires manipulateurs et d’une horde d’enfants mutants dont le numéro 28 n’est autre qu’un certain Akira. La bande de motards tarés se retrouve soudain propulsée au beau milieu d’un méli-mélo apocalyptique dont la totale oblitération de cette mégalopole qu’est Néo-Tokyo ne sera qu’un épisode parmi d’autres. Après tout, la cité a déjà été anéantie 38 ans plus tôt, au tout début de la Troisième Guerre Mondiale qui a englouti les trois-quarts de la planète.


Le film ne se contente pas de condenser tous ces éléments, ce serait trop simple et de plus techniquement irréalisable. À l’instar de beaucoup de productions nippones lors de ces mutations que permet l’industrie du média mix si typique du Japon moderne, la version film d’Akira est à la fois plus et moins que l’œuvre originale dont elle est tirée : plus complexe dans l’idée, plus intimiste vis-à-vis de son auteur, et surtout plus visuel et plus frappant dans ses images.


Car si la version animée d’Akira choque, c’est par sa puissance visuelle. Jamais jusqu’à ce moment-là on avait vu une animation aussi travaillée, aussi profonde. Toutes les techniques les plus sophistiquées y ont été utilisées, et les autres ont été inventées pour l’occasion. La bande sonore aussi sort complètement de l’ordinaire, et de telle sorte que les bruitages et la musique, hallucinants, clouent littéralement le spectateur sur son siège. Akira est un direct du droit qui laisse KO debout pendant deux heures.


Succès national sans précédent au Japon, acclamé tant par le public que par la critique, Akira a illuminé tout l’empire du soleil levant avant d’éblouir les États-Unis même, puis le reste du monde. Pourtant, ce n’était pas gagné, surtout chez nous où les productions japonaises avaient la vie dure à l’époque (qui a oublié les tollés des associations de parents provoqués par les scènes les plus corsées de Ken le Survivant et des Chevaliers du Zodiaque, ces productions pour ados pourtant diffusées dans une émission pour les petits ?) : la parution en fascicules du manga entravée par une distribution hasardeuse des premiers numéros, le film resté moins d’une semaine à l’affiche sur Paris, les traductions de l’une comme l’autre version aussi approximatives que d’habitude, Akira a surtout dû son succès au professionnalisme de la presse spécialisée – alors balbutiante à l’époque – mais aussi au bouche à oreille.


À l’origine de cette œuvre, d’abord graphique puis cinématographique, Katsuhiro Otomo : un homme souriant et plutôt timide, au visage tranquille, qui, penché sur sa table à dessin imagine un monde apocalyptique où se déchaîne l’holocauste. À l’époque, Akira marquait une continuité dans son œuvre, en se plaçant dans la ligne directe du manga antérieur de l’auteur, Rêve d’Enfants, qui le précède à peine et, au moins sous certains aspects, le préfigure. Mais si le lien qui unit ces deux œuvres saute aux yeux, si leur point commun est flagrant, leur symbolique respective diffère de façon radicale, de sorte qu’il serait trop facile de dire qu’Akira ne fait que remplir les blancs laissés par Rêve d’Enfants : si le thème reste le même – celui de l’enfant surhomme, l’enfant quasi-divin qui constitue le point de départ de ces deux pièces maîtresses – ces deux histoires ne sont que des cousins éloignés dont le plus jeune surclasse son aîné à tous points de vue sans toutefois parvenir à l’effacer, et heureusement.


À l’occasion de ce vingtième anniversaire (1) donc, et alors qu’une version live action de ce film se profile à l’horizon, petit voyage dans le temps vers les racines du mythe, suivi d’une tentative d’exégèse de ses aspects fondamentaux…


Suite du dossier (L’œuvre et son auteur : Avant Akira) :
http://ledinobleu.wordpress.com/2010/03/03/akira-20-ans-apres-2/


(1) Ce dossier fut à l’origine publié sur le site JapanBar en décembre 2008.

LeDinoBleu
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le 9 oct. 2013

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