Alabama | You got the weight on your shoulders | That's breaking your back *
[Spoilers]
Difficile de faire un film qui tienne la route sur toute la durée avec un tel sujet. On fait très vite le lien à "La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli et on se demande quel parti va être pris d'ici la fin du film : faire mourir la gamine ou non ? Dans les deux cas, le risque est là : mélo mielleux tire-larmes, happy end foireuse, et surtout on craint une redite du film suscité avec un point de vue centré sur la relation du couple durant la maladie de leur enfant et la façon dont ils parviennent ou non à vivre en dépassant cette maladie.
La bonne idée du film, c'est de casser ce rythme et cette appréhension rapidement en faisant crever la gamine assez rapidement. La première partie du film, avant cette mort, sert d'introduction aux personnages, à leur rencontre, leurs idées et surtout leur lien fort à la musique bluegrass. C'était une autre crainte : pourquoi situer le film dans cet univers musical, en quoi cela ne va-t-il pas être accessoire ? Il y a, bien sûr, une question d'atmosphère générale à laquelle contribue la musique, mais aussi de caractérisation peut-être un peu grossière des personnages à travers cette musique profondément terrienne, ancrée dans la boue et la sueur. Terrien, Didier l'est profondément, lorsqu'il s'agit d'expliquer la mort d'un oiseau à sa fille, ou par la suite dans son discours un peu gênant (mais la mort de sa fille est passée par là). Elise est moins catégorique, semble trouver un refuge dans cette spiritualité, qui est une autre composante de la musique bluegrass. Elle et lui, quand ils chantent, forment cette complémentarité.
Le film bascule donc à la mort de l'enfant et se centre finalement sur la survie du couple après celle-ci. Là encore, c'est la complémentarité apportée par la musique bluegrass qui permet, un temps, de tenir, de se raccrocher à quelque chose d'aussi vital que Maybelle, pour laquelle chacune des chansons semble un hommage et un rappel à la vie sous forme musicale. Felix Van Groeningen propose un montage intelligent fait d'allers et retours chronologiques, qui perdent un peu le spectateur mais permettent une variation de ton, entre souvenirs heureux, passages à vide du présent, dépassement de soi et de la dépression, moments de totale dépression très sombres avec tensions du couple, culpabilité partagée, rejetée, projetée, recherche de rédemption... le tout servi par des acteurs investis, qui en font parfois un peu trop dans le mélodrame (mais bon, vu la situation, on peut leur pardonner).
Il manque sans doute une certaine pudeur au film et il aurait gagné à être raccourci pour gagner en subtilité et en nuances. Les derniers plans changent le rythme, proposent plus de libertés visuelles, sont paradoxalement plus organiques, au moment où la vie quitte Alabama. Le tout pour mener à un splendide dernier plan, très réussi, qui évite la fin exagérément dramatique (la vie est là, emplit la chambre) encore une fois grâce à la musique qui, définitivement, est un personnage à part entière de ce (du) cinéma.
* : http://www.youtube.com/watch?v=uD3bGEFxGC0