Adaptation extrêmement libre d'Aladin et la Lampe Merveilleuse, le 31ème Classique Disney a été très compliqué à produire, le choix le plus difficile étant de savoir à quel point le dessin animé doit rester fidèle au livre des Mille et Une Nuits ou au contraire s'en éloigner. Le projet pris en main par John Musker et Ron Clements, tout juste ressortis du succès de La Petite Sirène, n'a pas plu dans un premier temps à Jeffrey Katzenberg. L'équipe du film va donc faire le choix de totalement s'éloigner du conte pour une version plus colorée et décontractée.
Avec l'arrivée d'Eric Goldberg au département d'animation 2D, le style visuel d'Aladdin va partir dans une direction très axée sur les courbes qui changera des décors vus jusqu'à présent chez Disney Animation comme dans La Belle et la Bête. Le plus bel exemple est le Palais du Sultan aux esquisses très simples et rondes.
En terme de mise en scène, Aladdin envoie tous ses prédécesseurs au tapis. Dès l'introduction, le spectateur est bluffé par la fluidité de l'animation et des plans où l'ajout des images de synthèses apporte un gigantisme jamais vu jusque là. Les images numériques ne sont jamais trop présentes et utilisées quand il faut rendant les scènes d'action encore aujourd'hui spectaculaires comme la fuite de la Caverne aux Merveilles en milieu de film ou le dernier quart d'heure haletant.
L'une des plus grosses améliorations qu'a apporté Aladdin et dont on a souvent tendance à sous-estimer l'importance est le personnage d'Aladdin lui-même. Les héros masculins ont rarement été traités avec attention chez Disney depuis leurs origines et en 50 ans, à peine leur statut a-t-il évolué. Mais Aladdin a changé la donne. Cette fois-ci, jeune adulte et voleur, notre "prince Disney" est le véritable héros du long-métrage et son personnage est assurément le plus travaillé du film. Son évolution est des plus appréciables et la leçon qu'il devra retenir sera intelligemment amenée sans que ça ne soit forcé. Une vraie réussite!
Les autres personnages apportent eux-aussi leur pierre à l'édifice. Le dessin animé de Musker et Clements nous présente un des meilleurs méchants que Disney Animation ne nous ait jamais proposé en la personne de Jafar, grand vizir délicieusement détestable et machiavélique dont rien que la voix nous met des frissons. Je suis plus réservé sur son sous-fifre Iago mais pour être honnête, il n'est pas si énervant que dans mes souvenirs.
Jasmine témoigne de l'évolution des Princesses Disney en étant plus active et moderne que celles qui l'ont précédé. Si son écriture est parfois bancale, la romance qu'elle développe avec Aladdin est tout à fait crédible et rend la princesse très attachante.
L'humour du film repose la plupart du temps sur un personnage désormais culte: Le Génie. Probablement un des comiques de dessins animés les plus adorés de tous les temps, le personnage auquel Robin Williams prête sa voix, ses gestes et son humour bien à lui est à n'en pas douter réussi mais il est dommage que la moitié des gags qu'il a à proposer ne vienne que des références pop-culture des années 90, rendant ses interventions parfois superficielles. Heureusement, cela est rattrapé par d'autres passages où ses répliques font mouche et où le personnage arrive sans mal à émouvoir le public.
Alan Menken a bien failli ne pas composer la bande-originale d'Aladdin, son parolier et ami Howard Ashman, qui avait écrit les chansons de La Petite Sirène et de La Belle et la Bête, venant tout juste de décéder en 1991. Fort heureusement, le compositeur va reprendre confiance et retrouver son inspiration en s'associant avec Tim Rice.
Ensemble, ils vont créer avec Aladdin les chansons les plus follement dynamiques et rythmées de Disney à travers "Je suis ton meilleur ami" et "Prince Ali" tout en proposant également la magnifique "Ce Rêve Bleu" ou l'envoûtante "Nuits d'Arabie".
Malgré une production chaotique, Aladdin sera un triomphe mondial à sa sortie. Acclamé par la critique et les spectateurs et générant plus de 500 millions de $ dans le monde dont 217 millions de recettes aux États-Unis, le film devient instantanément culte et demeure parmi les plus gros coups de coeur du public pour un long-métrage d'animation Disney.
John Musker et Ron Clements confirment pour la troisième fois tout leur savoir-faire à travers cette grande aventure magique et ultra-divertissante au rythme endiablé. Le Troisième Âge d'Or va atteindre son apogée d'ici peu de temps.