Si nous concentrons notre regard critique sur Israël, Amos Gitai et Eytan Fox sont les cinéastes avec la plus longue trajectoire et la plus longue répercussion internationale lorsqu'il s'agit d'exporter le cinéma de leur pays. Tous deux avec des tendances et des styles très différents : Le premier mise sur des portraits où l'entente entre les gens, leurs conflits et leurs désirs se rattachent à un fort esprit lyrique, adoucissant le quotidien de manière poétique (malgré le fait que cela, en certains de vos films, vous êtes dans des zones de guerre ou des lieux inhospitaliers). Le second, ouvertement homosexuel, porte un regard unidirectionnels vers ledit groupe avec un désir libérateur, expansif et introspectif pour lui permettre d'avoir une existence reconnue..
Alata, constitue une nouvelle tendance dans la vision israélienne après ces deux cinéastes importants. Ici aussi le centre de l'histoire est une romance gay. Elle est représentée avec tendresse et maturité; Mais très vite la simple approche intime de deux jeunes gens qui s'aiment secrètement est mise de côté pour s'élever vers une critique acerbe et virulente. Celle de tout un système policier, éducatif et social où l'insécurité et la privation de liberté sont une constante sans issue. Un monde où les secrets n'existent pas et où la peur du refoulement et de la coercition sont à l'ordre du jour est magnifiquement radiographié par la direction nerveuse de Michael Mayer, qui construit un univers solide, mais aussi suffocant, sombre et lugubre d'un catatonique et profondément misogyne Tel-Aviv dont le pendant Ramallah ne fait pas mieux. Sa caméra, incessante et tendue confère à ce drame de très hautes envolées dont le but est d'aller plus loin et plus haut que ce que le cinéma de ses compatriotes n'ait jamais atteint. Pour moi c'est réussi. Alata fait partie de ces films qui sont perçus comme un tout, en un morceau, plutôt que comme la somme de ses parties. Ceci est rendu possible grâce à la sobriété de sa production et à une mise en scène électrique, redevable au cinéma d'action naturel. Malgré le schématisme de son approche, et des moments doux où il néglige sa narration au profit de la concision, le film atteint des niveaux d'une gravité forte et d'une sincérité bouleversante pour refléter le désespoir de la survie d'un jeune étranger homosexuel renié par son propre famille, condamnée à être persécutée dans une ville réduite au cauchemar. Cinéma engagé et très vindicatif, choquant comme la plupart des nouvelles qui nous parviennent au compte-gouttes des innombrables conflits armés et disputes pas si diplomatiques. A la fois atroce mais aussi belle, poétique, riche en nuances tant dans son aspect intime que dans sa fonction de revendication et de lutte sociale. Clairement, un véhicule nécessaire pour rester attaché aux rayons X durs et universels que seules des cinématographies comme celle d'Israël peuvent refléter avec une telle honnêteté.
On est loin des très mignons "Love Simon" et autres "Young Royals". il me semble primordial surtout dans les pays occidentaux les plus avancés au point de vue des droits des minorités LGBT+ de ne pas oublier quelle est la réalité pour la plus part des gays dans le monde. La vie c'est pas Disneyland tout les jours et pas pour tous. Ne nous renfermons nous pas dans notre petit monde presque acceptable!