Un film au goût d'étrangeté
Dublin, XIXème siècle. Dans un contexte économique sévère, Albert Nobbs est majordome dans un petit hôtel. C’est un tableau classique dans lequel s’inscrit l’histoire originale d’Albert Nobbs, une femme qui se travestit pour travailler. L’interprétation magistrale de Glenn Close porte l’ensemble du film. Elle rêvait d’adapter au cinéma ce roman dont elle a joué l’adaptation théâtrale il y a plus de vingt ans, et ça se voit à travers son jeu sec, mais attendrissant. Les émotions transparaissent à travers le masque du personnage, engoncé dans son corset et qui, petit à petit, fend l’armure dans laquelle il s’est lui-même enfermé. Son passé n’a pas tellement d’importance : il n’est pas la femme qu’il a été, mais l’homme qu’il est devenu. Il rêve d’autonomie et de liberté, mais pour l’instant, il est contraint de se déguiser. Son corset, c’est à la fois sa seule marque de féminité, et la symbolisation de toutes les barrières sociales, économiques, et psychologiques, qui l’empêchent de briser sa routine. Albert Nobbs est attachant, sa virilité n’est pas forcée, et la question de son identité sexuelle reste en suspens. Film au goût d’étrangeté, Albert Nobbs pose cependant la question de la condition féminine de l’époque.