Ce n'est pas parce que tu cries que c'est puissant
Avec cette note, on pourrait croire qu'il s'agit d'un film simplement moyen. Mais il n'en est rien. En fait, Alceste à Bicyclette m'a tellement fait tanguer entre moments exquis et relativement pompeux, qu'une fois devant mes petites étoiles j'étais bien en peine de trancher entre le 8 ou le 4. Je commencerai par ce qui m'a déplut voire agacé.
Le premier problème qui se pose lors du visionnage, c'est que durant toute la première moitié du film, on passe notre temps à chercher le scénario. Ça part dans tous les sens ! Ils font de la bicyclette, ils jouent Le Misanthrope, ils se disputent, ils cherchent à acheter une maison, ils rencontrent une belle italienne... Mais de quoi nous parle-t-on, au juste ? Petit à petit la mise en abyme s'installe, jusqu'à une conclusion sans appel, mais en attendant, on ne fait qu'assister aux joutes verbales de deux protagonistes au foulard saillant, qui s'insultent à coup d'alexandrins dans une demeure réthaise traditionnelle au style arty/bohème (beaucoup de charme cette maison d'ailleurs). J'en viens donc au deuxième point noir du film à savoir le côté petit-bourgeois bien pensant un peu trop simpliste à mon goût. Le passage où l'acteur de théâtre discrimine la vedette m'as-tu vu qui joue dans une série à succès sur TF1 m'a anéantie, c'est tellement convenu tout ça. Même la fameuse scène où une actrice porno interprète le texte de Molière mieux que les deux comédiens n'a pas réussi à me surprendre. Mais cela m'amène également vers les aspects positifs du film.
En effet, à l'instar de la hardeuse, on retrouve à plusieurs reprises ces espèces de petits coups de théâtre, ces moments de folie pleinement assumés. Comme lorsque le personnage de Fabrice Luchini décide de se faire une vasectomie, ou que celui de Lambert Wilson colle son poing dans le nez du chauffeur de taxi. Ça fait du bien, ça aère un petit peu le propos, plutôt que de sans arrêt entendre ces derniers s’échauffer sur des questions dogmatiques avec une théâtralité excessive.
Et puis il faut dire qu'il fonctionne plutôt bien ce duo ! Entre un Fabrice Luchini histrionique, tout en force, et un Lambert Wilson plus en retenue mais non moins présent. On trouve un réel plaisir à suivre leurs échanges, leur complicité et l'évolution de leur amitié. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé la fin, que je trouve idéale au regard du propos du film. Bien que certains verront là le moyen de faire un pied de nez à comédie française et ses chutes prévisibles gage de médiocrité (très certainement à raison), j'ai vraiment adhéré aux derniers plans. Lorsque l'on voit les protagonistes chacun de leur côté, ayant fait un pas de plus vers la misanthropie, se souvenir avec nostalgie de leur amitié perdue.
C'est une idée du misanthrope qui me plaît bien. Quelqu'un qui pense le monde peuplé de traîtres, de menteurs et d'hypocrites mais qui ne peut s'empêcher de garder un certain idéal de l'amitié, comme un souvenir fantasmé. Et ainsi, rétrospectivement, le film prend tout son sens.
Alceste (le Misanthrope) : « Je veux qu’on soit sincère et qu’en homme d’honneur / On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. »
Philinte : « Mais, quand on est du monde, il faut bien que l’on rende / Quelques dehors civils que l’usage demande. »