Méta morphose
A première vue, Alerte Rouge, avec ses histoires d'ados et de transformations, raconterait presque la même chose que Luca, abandonnant l'Italie de la dolce vita au profit des traditions...
le 14 mars 2022
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A première vue, Alerte Rouge, avec ses histoires d'ados et de transformations, raconterait presque la même chose que Luca, abandonnant l'Italie de la dolce vita au profit des traditions asiatiques.
Un a priori pour mieux se souvenir qu'il y aurait de quoi hurler et se transformer en panda roux en constatant, qu'à nouveau, la privation de sortie au cinéma d'un long métrage Pixar relève d'une certaine forme d'habitude ancrée bon gré, mal gré, dont on semble se contenter.
Un a priori qui fait cependant oublier que la réalisatrice Domee Shi, avec Bao, avait proposé un concentré de tendresse et de sentiments contrastés sur les relations maternelles qui, en huit petites minutes sans paroles, renouait avec la grâce douce amère de l'introduction de Là-Haut.
Aujourd'hui, Alerte Rouge creuse le même sillon, en démultipliant sa symbolique.
Car la transformation est avant tout, en première lecture, la sortie de l'enfance où l'on devient, même pour soi-même, parfois, un inconnu, un monstre, une bête. Le tout en forme de lycanthropie light. C'est aussi la transformation physique, occasion, pour Domee Shi, de mettre en animation et de parler des chamboulements que traverse une gamine de treize ans, les premiers émois, les débordements d'une personnalité qui s'affirme.
Meilin devient le centre d'un film euphorique, porté par l'expérience féminine, tout en étant irrigué par l'insouciance et la joie de vivre un brin nostalgiques du début des années 2000 balançant entre le phénomène des boys bands et la folie du tamagotchi. La légèreté des aventures adolescentes du girl squad décrit par Pixar fait plaisir à voir et respire le vrai, tandis que Alerte Rouge développe sa thématique familiale et ses relations maternelles de manière un peu plus grave et solennelle sous un double prisme.
Tout d'abord celui du poids de la tradition, la figure double de Meilin devenant l'expression de son tiraillement entre ses deux cultures : celle du pays de ses ascendants et celle, occidentalisée, où elle est sans doute née et où elle vit. Ainsi que l'expression de la peur de perdre de vue sa propre personnalité.
C'est aussi le poids des conventions et celui des attentes familiales. Celui de la loyauté, du souci de bien faire, de ne pas décevoir et de se montrer à la hauteur. Et c'est là que Alerte Rouge se montre le plus émouvant : la difficulté de Meilin, nous l'avons tous connue, avec cet amour maternel qui nous porte et nous enrichit. Mais qui, dans un même mouvement, peut se montrer envahissant, pesant et exigeant.
Et si l'amour familial n'est jamais démenti dans l'approche de Domee Shi, il est mis à l'épreuve par le désir d'émancipation de la nouvelle génération, la volonté de donner le meilleur à ses enfants et la transmission, même inconsciente, de nos failles, de nos faiblesses, de ce que l'on a connu avec ses propres parents et reproduit malgré nous.
La pertinence du propos et cette joie aussi contagieuse que colorée font regretter, à l'évidence, que Alerte Rouge soit privé d'exploitation dans les salles obscures, tellement son statut de tête de gondole de plate-forme apparaît soudain étriqué au bout de l'heure quarante de projection.
Car un tel sacrifice prive le film de la reconnaissance qu'il mérite, tout comme il relativise la sensibilité et la naissance d'une grande artiste, fut-elle chez Pixar.
Behind_the_Mask, qui n'est jamais sorti de l'âge bête.
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le 14 mars 2022
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