2002, Internet existait déjà. Les gens pouvaient y avoir accès, mais rares étaient ceux qui avaient ça à domicile. Pour la très grande majorité d'entre nous, il fallait utiliser les ordinateurs à disposition dans les bibliothèques, dans les CDI si on était encore au collège ou au lycée, dans feu les cybercafés. Ceux et celles d'entre vous qui sont de la génération Z se demandent certainement comment on a réussi à vivre sans la toile constamment à portée de main. Figurez-vous que moi, qui suis né dans les années 1980, me le demande aussi tellement j'y suis trop habitué maintenant.


Toujours est-il que si l'action de Turning Red se déroule en 2002, c'est non seulement parce que c'est une manière pour la réalisatrice Domee Shi de mieux s'inspirer de sa propre enfance (elle avait le même âge que l'héroïne à l'époque !), mais aussi, je pense, pour éviter d'avoir à justifier comment le fait qu'une jeune fille se transformant en panda roux sous l'effet d'émotions trop fortes ne soit pas diffusé vitesse grand V sur les réseaux sociaux #RedPandaTooCute.


2002, c'était l'âge doré des boys band qui rendaient folles les filles. Qu'est-ce que c'était la daube, devenue démodée à la vitesse de l'éclair. Ce qui me permet d'enchaîner avec ma première pointe critique sur le film, à savoir la musique. Que l'on mette de la daube style boys band au moment où les interprètes chantent (par exemple lors du concert !), c'est logique. On est obligé de faire avec. Mais lors du générique du fin, pendant lequel c'est inutile, c'est de la torture gratuite. Le reste de la BO, c'est juste du sirupeux préfabriqué en conserve comme on entend un peu trop partout aujourd'hui, avec un peu d'asiatisme pour mieux coller sur l'ethnie des personnages principaux.


Oui, bon, pause... je pourrais faire croire jusqu'ici que je n'ai pas aimé ce Pixar. Non, ce n'est pas le cas. Non, j'ai apprécié et je vais bientôt dire pourquoi.


Alors, où en étais-je ? Ah oui, pour entrer dans le cœur du sujet, tout n'est que symbolisme. La transformation de la protagoniste en ce mignon petit animal adorable est un moyen sympathique de faire passer des messages (non dénués d'audace pour un Pixar sous l'égide de la souris mégapuissante aux grandes oreilles !) sur la puberté (y compris les règles !), sur l'éveil sexuel, sur les débuts de la difficile transition de l'enfance à l'âge adulte dans un film pour enfants.


Les plus jeunes d'entre eux ne vont certainement pas comprendre et se contenteront de rigoler devant le spectacle d'une adolescente de 13 ans devenant un panda roux (avec un graphisme volontairement assez joufflu, donc enfantin, pour renforcer cette impression !). Pour les spectatrices légèrement plus âgées (oui, ici, on parle de choses touchant spécifiquement le sexe féminin !), elles seront face à des réactions corporelles et mentales tout à fait naturelles, qu'elles commencent à avoir elles-mêmes. Les femmes adultes auront la même approche due à l'expérience. Pour le public masculin, outre le côté divertissant indéniable des rebondissements, un peu plus de compréhension et d'empathie pour leurs prochaines, ça ne fait jamais de mal. Enfin, je parle ici pour les gens avisés, les autres pour qui tout ça doit être caché comme si c'étaient des trucs dégueulasses, dont il faut avoir honte, allez-vous faire foutre.


Être panda n'est pas que cela. C'est aussi accepter d'être soi-même. Attention, pas en rejetant totalement ce que son éducation ainsi que son milieu avec ses traditions ont apporté. Ce n'est pas ça du tout que le film veut dire. C'est simplement de consentir à vivre un peu plus à travers son propre diktat et de le concilier avec tout ce qui a été assimilé de plus positif à travers la famille.


D'ailleurs, je trouve illogique que la mère ne consent pas à garder sa part de panda. C'est comme si elle prenait la décision de rencaisser la frustration qu'elle avait fait exploser lors de sa crise de colère aux proportions gigantesques.


Et, dans cette optique, c'est dommage par la même occasion que la difficulté qu'elle a eu à imposer à sa propre mère l'homme qu'elle aime (c'est-à-dire son futur mari et le futur père de sa fille !) couplée à sa détermination sans faille pour parvenir à ses fins ne soient pas plus creusées, laissées à l'état de superficiel, pour injecter plus de nuances à son caractère, pour qu'elle se remette encore plus en question ce qu'elle est devenue en se confrontant à son passé. Et le personnage de la grand-mère aurait été plus développé. Cela aurait été tout bénéf.


Et donc, il y a en outre le portrait d'une relation entre une maman aimante, mais stricte ainsi qu'ultra-protectrice, et sa progéniture qui grandit et qui a envie de se détacher de cette tutelle, la première ne voulant pas affronter l'inévitable, la seconde désirant au contraire l'embrasser. Je regrette par contre que le père doux et bienveillant soit trop mis de côté alors que la dynamique au sein du cocon familial aurait pu fonctionner encore plus efficacement ; d'autant plus que le contraste entre le caractère mère-fille et celui du père était l'idéal pour cela.


Le côté "malédiction ancestrale", avec tout le folklore chinois, reste assez basique. C'est du vu et du revu. C'est plus un prétexte expédié pour justifier la métamorphose qu'un élément scénaristique donnant la sensation d'être essentiel et profond autrement. Les points forts résident plus dans les thématiques plus terre-à-terre évoquées précédemment.


La question de l'amitié, à la vie, à la mort, quant à elle, (malgré la situation téléphonée et prévisible de la petite trahison secouant momentanément cette harmonie !) est traitée d'une façon touchante, soulignant que des personnalités différentes peuvent se sentir bien entre elles. Parce que ce sont elles, parce que c'est elle.


Bref, en dépit de ses quelques incohérences/maladresses, les messages de fond forment la principale qualité de cet opus, se visionnant sans déplaisir, de la firme à la lampe de bureau.

Plume231
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le 12 mars 2022

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