Réalisé par Rolf De Heer en 2003, soit entre The Tracker (l’année précédente) et 10 Canoes, 150 Lances et 3 épouses, (sorti trois ans plus tard), Alexandra’s Project semble avoir été pour le réal, une sorte de récréation, et un projet absolument original. On est ici loin des films tournés en pleine nature et consacrés à l’histoire des aborigènes. Non, ici on a plutôt un "petit" film, tourné quasiment intégralement en huis clos et qui, in fine, pourrait se dérouler n’importe où. C’est donc l’histoire d’un type normal, un employé de bureau un peu sympa, un peu beauf, et qui rentre chez lui. Il vient d'avoir une promotion et c'est son anniversaire, mais il découvre, à la place de la soirée d’anniversaire qu’il anticipait, une maison vide. Si sa femme et ses enfants ont disparu, en revanche, un cadeau l'attend : une VHS. Le bon père de famille s’installe dans son canapé, et lance l'enregistrement, sa femme apparait alors sur l'écran de la télévision. Oppressant, malsain, et disons-le un poil dérangeant, le film repose donc sur un dispositif absolument génial où une comédienne, Helen Buday, a été filmée au préalable, exécutant une performance exigeante, qui apparaîtra ensuite face à l’autre acteur, Gary Sweet, seul devant sa télévision. Les deux acteurs sont donc condamnés à interpréter seuls leurs personnages. L’une a, au préalable, et pendant trois semaines de répétition et d'enregistrement, été seule dans une pièce, avec juste le réalisateur et un preneur de son dissimulés derrière un rideau. L'autre va devoir réagir au contenu de l'enregistrement, l'acteur et le personnage le découvrant progressivement. Il n'a pas grand chose autour de lui, un fauteuil, une bière et parfois, profitant d'une crise de colère, il parvient à occuper l'espace en vociférant et en s'agitant. Mais la plupart du temps, il est là, passif, puis impuissant. Il s'agit de deux solitudes, une qui va exploser, et l’autre qui va se découvrir. Une qui va échafauder un plan machiavélique, et l’autre qui va, pour la première fois de sa vie de collaborateur dynamique, marié à une belle femme et habitant une belle maison, voir son monde progressivement s’effriter... avant que le film ne se détourne de son dispositif dans un dernier mouvement, ajoutant une touche d’ironie à une cruauté cuite et recuite.
Malgré toutes ses qualités, Alexandra’s Project est pourtant loin d’être mon De Heer préféré, moi qui me tourne plus volontiers vers ses films qui racontent l’Australie, mais ce petit thriller, merveilleusement tricoté, est une pépite de plus dans une filmographie magistrale.