Alexandre est un film maudit, c’est l’évidence même. En voulant conter l’histoire de l’une des personnalités les plus importantes de l’antiquité, la tâche se révèle démesurée. Gourmande en figurant (des armées gigantesques), gargantuesque en lieux de tournage… Dans tous les domaines, Alexandre est démesuré. Et le style d’Oliver Stone ne canalise pas ce foisonnement, il l’encourage au contraire (il faut voir les symbolismes qu’il recherche dans ses grands projets d’antan (Tueurs nés, Nixon…)). Résultat, il manque au film le nécessaire quand on s’attaque à un biopic : une vision claire du personnage. Le film ne fait pas un portrait d’Alexandre, il suit Alexandre ou qu’il aille et quoi qu’il fasse. Et c’est de là que viendra le plus gros reproche que l’on peut faire au film : il ne sait pas où il va. L’expansion de l’empire d’Alexandre est sans surprises, les étapes de son voyages se résument facilement, sa chute arrive de façon attendue, et finalement, le parcours que retrace le film se révèle un peu vain, incapable de donner une ligne directrice à l’ensemble, soit ce qui fait le petit plus d’un bon biopic. Mais si le projet échoue à façonner une vision, il reste encore tout un univers qui est abordé à l’écran, qui tient du meilleur comme du pire. On ne peut que saluer l’audace d’avoir voulu dresser le portrait d’un conquérant à l’enfance troublée par des querelles d’intérêt entre mère et père (chacun d’eux ayant une vision du monde qu’ils tentent d’inculquer à Alexandre), et qui surtout se révèle bisexuel. Si la virilité des guerriers de l’antiquité est souvent mise en avant, ou que certaines « audaces » sont commandées par la mythologie (Le personnage d’Achille campé par Brad Pitt, homosexuel), la bisexualité est une première dans le genre, et elle n’est pas balancée comme une simple anecdote. Si elle ne se manifeste pas charnellement, l’amour qu’Alexandre entretient avec Jared Leto est palpable dans chaque échange de regard, et dans chaque embrassade. C’est un détail atypique visant à étoffer le personnage tout en influant subtilement sur ses motivations (l’amour de jeunesse est masculin, mais celui de l’empereur est féminin). Les valeurs transmises par chacun des parents sont elles aussi fascinantes. Si sa mère le pousse à convoiter le pouvoir et à faire preuve de sa valeur dans l’adversité, le père cherche davantage un héritier malléable, qui poursuivra sa politique à son image. Les motivations sont diverses, les approches sentimentales également. Là encore, le film ne tranche pas, préférant tout accumuler. Hélas, si le film est riche de détails, toutes les directions prises n’ont pas été les bonnes. Il y a des choix artistiques désastreux qui ont été fait, notamment celui de conserver les acteurs des personnages principaux sans les avoir fait vieillir avec Alexandre. Un gamin blondinet se transforme en Colin Farell, et en face, Angelina Jolie n’a pas pris une ride en 20 ans, tout comme le roi (campé par un Val Kilmer excellent). Une vraie faute de goût. Il en va de même pour toutes les séquences numériques du film. Le générique d’ouverture illustre très bien le genre de désastre qu’on peut croiser sur des projets aussi ambitieux : c’est juste laid. Et la grande scène de bataille contre les perses, attendue depuis le début du film, se trouve souvent entrecoupée de vues aérienne intégralement numériques, qui ressemblent à des cinématiques de jeu vidéo type age of empire… Une dramatique erreur qui annihile l’immersion du spectateur, en plus de jouer dans l’anachronisme technologique grave. C’est ce genre de bourde qui gâche le cachet d’un tel spectacle. Les exemples étant aussi nombreux dans le bon que dans le mauvais, Alexandre a donc les moyens d’alimenter la polémique, et devrait demeurer toujours en débât, et non demeurer dans la réputation honteuse où on le laisse. En l’état, c’est un film à moitié raté, qui comporte tout de même d’excellentes idées, et de vraies grandes séquences de cinéma (l’exil d’alexandre, le dressage de Bucéphale, les tribulations aux 4 coins du monde…) tout à fait recommandables. Il faut juste tolérer qu’en 3 heures, le film ne va pas à l’essentiel…
Voracinéphile
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le 19 sept. 2013

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