C'est à la fois une fastueuse et spectaculaire évocation de la destinée exceptionnelle d'Alexandre, et une réflexion sur le pouvoir et la conquête. Tourné à une époque où le cinéma américain et le cinéma italien étaient en concurrence pour les films historiques à grand spectacle, Alexandre le Grand fut réalisé en grande partie en Espagne (on trouve quelques acteurs espagnols dans les 3èmes rôles) avec un important budget car Hollywood avait l'avantage des moyens de superproduction.
Le sujet fut pris très au sérieux par Robert Rossen, futur réalisateur de L'Arnaqueur, en contant de façon un peu romancée les conquêtes de ce grand roi de Macédoine qui respectait les peuples conquis et qui voulut unifier la Grèce, mais il le fit de façon bien plus habile et convaincante que ne l'a fait Oliver Stone avec son Alexandre.
Cependant, le film qui devait durer 3h a été mutilé pour sacrifier à des exigences de distribution et pour correspondre à une conception plus hollywoodienne ; les aspects politiques ont ainsi été gommés, et on ne perçoit pas forcément certaines visions sur ce plan, notamment l'étrange relation entre Philippe de Macédoine (père d'Alexandre) et Darius roi des Perses. Malgré ces coupes, le film reste quand même un film intelligent qui échappe à certains pièges propres aux fresques historiques, faisant comprendre suffisamment la civilisation de la Grèce antique, le rapport entre les mythes et la réalité, et le caractère d'un personnage hors du commun, dont Richard Burton donne une fascinante composition partagée entre idéalisme et despotisme, ambiguïté et enthousiasme. Le reste de la distribution est très riche, avec de puissants seconds rôles et une partition musicale de Mario Nascimbene héroïque et tragique qui colle parfaitement à l'ensemble. Un beau film.