Les bruits du Caire
On peut toujours compter sur le cinéma égyptien. Même moins engagé que les derniers films issus du pays, Ali, la chèvre & Ibrahim témoigne à sa façon des difficultés rencontrées par une société...
le 9 juin 2017
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En me rendant à la séance pour Le Jour d'après, il y avait ce film qui passait pratiquement au même horaire. Après une légère hésitation : dû à l'éternel questionnement des longs-métrages sortant dans très peu de salles "sera-t'il encore à l'affiche la semaine prochaine?". J'ai pris la direction du film prévu, car trop envie de le voir, au risque de ne plus avoir l'opportunité de visionner Ali, la chèvre & Ibrahim. La vie étant parfois surprenante, je découvre qu'il est de retour en seconde semaine. Cette fois-ci, je ne prends pas de risque et file me détendre en compagnie d'Ali, Nada et Ibrahim sous le soleil du Caire et du Sinaï.
Un ours en peluche rose est filmé en plan séquence dans les rues du Caire, sous le regard amusé des passants pris dans un flou artistique. Ce moment décalé est à l'image de celui qui transporte cet objet insolite. Il s'agit d'Ali (Ali Sobhy) qui veut en faire cadeau à sa tendre Nada. Pendant ce temps, Ibrahim (Ahmed Magdy) perd son job d'ingénieur du son. Il souffre d'un son dans sa tête qu'il tente de capturer sur son magnétophone pour enfin conjurer la malédiction qui pèse sur sa famille. La route de ces deux êtres à part vont se croiser et une belle amitié va naître entre eux.
Le Caire est à la dérive. Le réalisateur Sherif El Bendary; dont c'est le premier film; veut nous montrer le visage d'une Egypte en pleine perte de ses repères après la révolution du printemps arabe. Son pays est devenu fou, comme le montre le sauvetage à coups de cocktail molotov d'une prostituée agressée par trois hommes. La police est à la dérive. Le peuple semble abandonné à son sort et doit se débrouiller pour se protéger et sortir de la misère actuelle. De nombreuses personnes ont perdu des proches et ils font chacun leurs deuils de manière différente. Le son a eu raison de la mère d'Ibrahim et son grand-père s'est percé les tympans pour ne plus l'entendre. La relation entre Ibrahim et son grand-père est émouvante. On les voit peu ensemble et pourtant on sent l'amour que chacun porte à l'autre à travers leurs échanges. Au contraire, Ali a une relation difficile avec sa mère. Elle est tout le temps dans le drame et comme son fils a le même tempérament, cela provoque des étincelles. L'attachement de l'un à l'autre s'exprime différemment, puis ce n'est pas évident de voir son fils s'enticher d'une chèvre. La zoophilie n'est toujours pas bien accepté dans notre société actuelle.
Les personnages sont décalés et attachants. La relation entre Ali et sa chèvre ne m'a pas perturbé. Certes, ils ne vont pas avoir des rapports d'ordre sexuel, ce qui aurait surement rendu le film scabreux, mais il partage la même couche. Pourtant, je retrouve la même tendresse qui émane d'Ali pour sa mère ou Ibrahim pour son grand-père, avant que celle-ci prenne place entre ces deux hommes. C'est surement cette absence de malaise et méchanceté; malgré certains moments difficiles; qui rend ce film agréable.
Le road movie est surtout une quête d'identité. Les pierres semblent être le poids de leurs douleurs et ils doivent s'en délester pour reprendre pied avec une réalité dont ils se sont déconnectés. Après un drame, ce n'est pas évident de reprendre goût à la vie. On se raccroche à n'importe quoi pour ne pas perdre totalement pied et parfois on commet l'irréparable. Ce ne sont pas des thèmes faciles qu'aborde le film, mais le ton tragi-comique de l'histoire permet de ne pas sombrer dans un pathos nauséabond.
Le duo fonctionne à merveille, enfin le trio. Ali Sobhy et Ahmed Magdy ont des gueules, de celles qui éblouissent l'écran et les rendent attachants. Ils ont des physiques différents et pourtant, au fil du récit, j'avais l'impression de voir deux frères. Leur relation illumine un film pas totalement convaincant, se montrant parfois fainéant dans sa psychologie ou en abandonnant des personnages qui avaient beaucoup à nous offrir. Cela reste une belle découverte, grâce au parfum de douceur qui se dégage du film et dans notre monde actuel, on ne peut refuser de prendre une dose de bien-être cinématographique.
Créée
le 15 juin 2017
Critique lue 549 fois
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