Le monde revu par les enfants
Le principal atout de cette adaptation d’Alice, c’est son esthétique, qui prend à contrepied l’ensemble des oeuvres qui ont été adaptées pour le cinéma jusqu’à lors… En effet, dès que l’on parle d’Alice et de son rêve merveilleux, on nous sort des décors psychédéliques, surréalistes, bourrés de couleurs, des lieux gigantesques, disproportionnés, féériques… Le film de Burton en est le plus fourni exemple, repoussant sans cesse les limites de son univers en le colorant avec tout un tas de personnages et de visions gothiques. Ici, ce n’est pas le cas. En effet, les enfants ont du mal à imaginer autre chose que ce qu’ils voient. Ce ne sont pas des concepteurs, ils ne font au maximum que détourner des choses qu’ils ont vue et s’en servent pour se façonner un univers (d’où l’importance d’enrichir au maximum leur culture pendant leurs jeunes années, avec la lecture, des films bien sélectionnés et peut être quelques voyages). Et cette version d’Alice se déroule essentiellement dans des lieux communs. Il n’y a rien de surréaliste, de réellement onirique là dedans. Tout n’est qu’objet du quotidien détourné, animé, qui vient alors remplacer les différents éléments du conte de Lewis Caroll. La chenille devient une colonie de chaussettes qui se cachent dans les trous du plancher, la reine de coeur provient d’un jeu de carte commun, comme tous ses sujets, le lapin est un cadavre empaillé qui ne cesse de répandre de la sciure de bois partout où il passe… Si le Alice de Svankmajer est inscrit sous l’appellation de film pour enfant, les multiples symboles qu’il utilise renvoient davantage à l’univers enfantin, et seront davantage appréciés par les adultes, qui retrouvent une multitude d’objets iconiques ayant marqué leur enfance. Feuilles mortes, encre, salle de séchage de linge… La banalité des lieux (et leur relative insalubrité) ne nuit pas à l’ensemble, au contraire, l’esthétique est bien là, et donne à l’univers d’Alice un visage plus rationnel, plus spontané que les visions sucrées et guimauves habituellement servies. Une curiosité au final très intéressante, mais anti spectaculaire (aucun dialogue (c’est Alice qui fait parler les personnages), aucune musique) et à l’onirisme réaliste en dehors des sentiers rebattus…