Prévue dès la fin des années 30, l'adaptation du célèbre Alice in Wonderland de Lewis Carroll par Walt Disney ne verra le jour qu'en 1951, sans cesse repoussée suite aux problèmes économiques du studio. Après cinq ans de travail, un budget de trois millions de dollars, une valse des scénaristes et des auteurs, le film ne connaîtra pas le succès escompté, étant même plus ou moins désavoué par le nabab en personne, déplorant un manque flagrant d'émotion et d'empathie pour le personnage principal. Il faudra attendre les années 60 pour que le film obtienne le statut d'oeuvre culte, la contre-culture le récupérant à son compte pour en faire une sorte de porte-étendard du mouvement psychédélique.


Il est vrai que revoir aujourd'hui cette version animée du classique de Lewis Carroll fait un drôle d'effet, donnant l'étrange impression d'assister à un spectacle totalement frappadingue et surtout, à un monument tout entier voué à la défonce. Volontairement ou non, le film regorge d'éléments rappelant la culture weed (c'est d'ailleurs sous ce terme que l'héroïne est taxée par les fleurs dans la version originale), et s'apparente, d'un point de vue autant formel que narratif, à un long trip sous acide que n'auraient pas renié Timothy Leary, Cary Grant ou les Merry Pranksters.


Ne pouvant retranscrire correctement les subtilités linguistiques de l'oeuvre originelle, cette adaptation mixant Adventures in Wonderland et Through the Looking Glass fait donc le choix de traduire la folie ambiante et pleine de non-sens de Lewis Carroll par une approche formelle totalement hallucinée. Jouant sur les couleurs et les perspectives, la mise en scène traduit donc par l'image ce qu'elle ne peut par les mots, apportant cet effet psychotronique tant choyé par les hippies le redécouvrant l'époque et déjà expérimenté sur Dumbo le temps d'une séquence mémorable.


Voyage au-delà des sens et des rêves d'une gamine aux portes de l'âge adulte et de la rationalisation qui va avec, Alice in Wonderland version Disney est une petite merveille d'animation et de surréalisme, compensant allégrement une absence d'enjeux et une narration presque inexistante par une folie furieuse communicative et une facture technique irréprochable. Un joyeux bordel aux multiples facettes et niveaux de lecture à ranger aux côtés de Yellow Submarine et Zardoz le temps d'une soirée LSD et space cake.

Créée

le 22 oct. 2015

Critique lue 2.1K fois

38 j'aime

7 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 2.1K fois

38
7

D'autres avis sur Alice au pays des merveilles

Alice au pays des merveilles
Kliban
10

Top Disney

C'est sans doute l'une des meilleures adaptation des studio Disney. Et on ne peut malheureusement la goûter si on ne connaît pas son Wonderland et Looking Glass sur la bout des doigts ou presque...

le 24 déc. 2010

40 j'aime

Alice au pays des merveilles
Gand-Alf
9

Reefer Madness.

Prévue dès la fin des années 30, l'adaptation du célèbre Alice in Wonderland de Lewis Carroll par Walt Disney ne verra le jour qu'en 1951, sans cesse repoussée suite aux problèmes économiques du...

le 22 oct. 2015

38 j'aime

7

Alice au pays des merveilles
Nick_Cortex
8

Alice in Wackyland

Un lapin avec une montre qui est en retard. Un dodo capitaine maritime aux tendances pyromanes pour se débarrasser d'un problème. Une chenille sortie tout droit d'une fumerie d'opium. Un morse qui...

le 31 janv. 2020

36 j'aime

11

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20