Depuis quelques films, Tim Burton donne l'impression d'avoir perdu de sa verve et de son esthétique si particulier. Autant dire si beaucoup d'espoirs sont fondés dans sa vision de ce classique de la littérature pour assister à la résurrection du pape de l'étrangeité macabro-onirique.
Malheureusement, le résultat de la rencontre Tim Burton- Alice au pays des Merveilles, ne donne pas le film tant attendu puisqu'on ne retrouve plus l'empreinte de son réalisateur, avec son côté gothique et son imaginaire à la fois loufoque et inquiétant. Production Disney oblige, le film semble un peu trop lisse en s'attachant à viser le public le plus large possible, les fans du réalisateurs risqueront alors d'être déçus de ne pas y retrouver son cynisme mordant et toute la noirceur qui régie à son univers (au mieux se contente t-il de délaver les couleurs pour assombrir cet univers fantasmagorique déjà porté à l'écran par Disney).
Alice au pays des merveilles est, certes, irréprochable sur le plan du cahier des charges de la production avec ses couleurs chatoyantes (auxquelles la 3D offre une dimension supplémentaire), ses costumes travaillés, ses décors baroques de toute beauté et une multitude de trouvailles visuels. Pourtant, et malgré son agitation visuelle permanente, le film distille un ennuie profond au fur et mesure que le récit avance. Côté visuel, Tim Burton assure donc un spectacle foisonnant et coloré mais sans inspiration particulière, et auquel Il manque cruellement une part de l'âme du chef d'oeuvre Carollien dans lequel on aurait aimé replonger et se perdre en compagnie d'Alice, la dimension poétique et subversive de son conte se perdant souvent dans un dédale de prouesses numériques qui oriente trop le film vers le cinéma d'animation
Mettant d'avantage la technique au service de son imagination, Burton semble ne pas trop s'intéresser à son histoire ni à ses personnages. Côté créatures, le Chat Chess et Absolem la chenille donnent un peu de relief à l'ensemble, mais seul Johnny Depp, en chapelier fou, emmène l'étrangeté qui manque au milieu d'un film rarement drôle, jamais trépidant et qui fonctionne sur un rythme plat du début à la fin. La faute à un scénario mort-né et manichéen au possible. C'est bien simple, on a parfois l'impression que le réalisateur prend un malin plaisir à reprendre les personnages d'Alice aux pays des merveilles pour leurs faire jouer un scénario à la « monde de Narnia 12″ (poussant même le vice avec quelques emprunts dans ses décors ou ses monstres) pour nous gratifier d'une bataille ridicule, torchée en 5 minutes, et finir de nous achever d'un moment surréaliste avec la danse hip hop du Chapelier Fou ( et à ce moment précis du film Alice n'est surement plus la seule à halluciner).
Au final, Weird Tim ,nous laisse avec un sentiment d'inachevé en essayant de rendre cohérent un monde qui ne doit pas l'être ou créer une intrigue dans une histoire qui n'aurait pas dû en avoir une. En rentrant dans le rang d'une superproduction familiale, celui qu'on qualifiait autrefois de misfit gothique dans un système hollywoodien ultra conformiste semble avoir abandonné toute sa noirceur et son excentrisme au profit d'un cinéma qui fait plutôt pâle figure à côté du haut de sa filmographie (Beetlejuice, Batman, Edward aux mains d'argent, Sleepy Hollow...). En tombant dans le terrier, Alice aura peut être entrainé le réalisateur dans sa chute.