Les travers de la vie (a)vide d'Alice à travers le vide

De retour après des années d'absence où elle voguait sur les flots des mers asiatiques, nous retrouvons Alice au retour de son voyage colonialiste promis dans le film précédent celui-ci. Elle continue à étendre l'Empire britannique vers la Chine et assumer un rôle dévolu aux hommes à l'époque où se déroule l'aventure. Féministe ? Thalassocratique ? Ce n'est pas aussi marqué qu'avant. Elle a juste le temps de voir sa mère, d'avoir à faire avec des gens qui ne veulent pas faire affaires et l'aventure commence bien vite. Bien vite aussi on constate que le jeu des symboliques détournées de manière plus ou moins intéressante dans le premier opus, Alice au Pays des Merveilles, ne sera pas au même niveau de créativité. En fait il n'y a quasiment plus de symboliques. En effet le film se destine à un plus jeune public. Pas de relecture du mythe de St George/Michael et le dragon, pas de symbolique phallique dans les mains d'une femme. Pourtant si Burton ne réalise pas, il est toujours à la production. L'envie de faire un petit billet peut-être. Pourtant à certains moments, le scénario tente de faire du Shakespeare en donnant l'origine du mal, en montrant l'injustice à laquelle a été soumise la Reine Rouge, conduisant ainsi à son désir de vengeance, semblable, l'espace d'un instant, à celui de Richard III. L'espace d'un instant seulement, car il faut bien reconnaître que ce n'est pas cohérent avec ce que disait la Reine Blanche dans le film de 2010. Disons simplement que nous sommes encore plus dans un film estampillé Disney, fabriqué pour les familles américaines, en prônant les valeurs habituelles. A une ou deux exceptions près. Lors de scènes assez étranges, notamment lorsque la rêveuse est prise pour une folle et se réveille en plein asile. Ou est-ce une tentative de montrer l'instrumentalisation des femmes dans leur désir de faire des travaux d'homme ? Il y a même peut-être une rapide critique des théories psychologiques qui tendent à remettre les femmes sous la coupe des hommes par le biais de la fameuse (et infamante ?) hystérie. Eh oui Sigmund, tu es critiqué de nos jours et de moins en moins à la mode. Difficile de répondre à ces questions, tant ces moments sont courts au sein d'une aventure conventionnelle pour le reste.
A défaut de faire rêver, le film fait le boulot. Tout comme l'actrice principale et Johnny Depp. Le reste du casting est au mieux récréatif, il est vrai. Heureusement que ce n'est pas le jeu d'acteur qui est au centre de cette œuvre. Le féminisme du précédent volet a laissé la place à une simple aventure de voyage dans le temps (ce serait une ou un autre à la place d'Alice, ce serait pareil, et même à une autre époque …) certes, mais malgré un point de départ convenu, le film est plutôt malin. Il y a de belles images, et parfois de belles idées comme le fait que l'espace-temps serait un océan (d'informations ?) sur lequel on pourrait surfer. Ceci rappelle les théories récentes sur ce sujet, comme les travaux de Philippe Guillemant par exemple. Quant aux belles images elles apparaissent en particulier vers la fin, dramatique et trépidante.
Le leçon de vie qu'apprend Alice est un peu légère et sa conclusion plutôt classique mais cela reste acceptable dans un film réalisé platement mais correctement, peu rythmé mais joli esthétiquement.
A voir pour le divertissement consensuel qu'il est, à défaut d'être une adaptation véritablement étonnante de l'œuvre de Lewis Carroll (que votre serviteur n'a de toute façon pas lu …)

Fiuza
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le 1 juin 2016

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