Alice ou la Dernière Fugue par Teklow13
Très grosse surprise ce Chabrol ! J'attendais une curiosité sympathique, j'ai trouvé une des plus belles réussites de son œuvre, selon moi en tout cas. Sans trop en dévoiler, ça serait dommage, c'est un conte fantastique, morbide, surréaliste, une espèce de relecture d'Alice au pays des merveilles. C'est l'histoire d'une fuite, celle d'Alice Caroll (incarnée par la belle et sensuelle Sylvia Kristel), le nom est on ne peut plus symbolique, qui quitte sa vie et son mari, sans appel et part une nuit de tempête au volant de sa voiture. Après un accident qui lui cause l'éclat de son pare-brise, elle se retrouve dans une grande propriété et son manoir, dans lequel le propriétaire des lieux lui propose de passer la nuit. J'ai trouvé ça génial, totalement chabrolien tout en puisant de multiples références à droite à gauche. Il y a du Hitchcock (la fuite initiale n'est pas sans rappeler celle de Marion Crane dans Psychose), du Lang (Chabrol travaille l'expressionisme dans certains plans), du Bava, du Cocteau, ... on pense également à Carnival of Souls, la trame narrative y est assez semblable. Et du coup on pense aussi beaucoup à Lynch.
C'est le genre de film qui me fascine, car il se construit sur des codes de série B voire Z tout en les magnifiant et en établissant quelque chose de personnel et de neuf. Et puis ce n'est que de la mise en scène, qui passe par des déplacements de corps, par l'interaction étrange entre les personnages (belle utilisation du champ/contre-champ), par l'utilisation que font les personnages et le cinéaste du décor. On est totalement happé au bout de quelques plans par l'univers proposé par Chabrol.
A noter la présence d'André Dussolier dans un rôle jubilatoire.
Je parle de jeu, de plaisir, et pourtant le film s'achève sur une note tragique et assez pessimiste, même si relativement attendue.