La saga Alien fait partie des monuments du cinéma et d’une référence absolue dans le domaine de la science-fiction. Elle comporte son lot d’avis divergents et de débats parmi ses amateurs et n’en finit pas d’influencer la culture populaire ainsi que les multiples dérives cinématographiques, jeux vidéo, bande dessinée de l’univers "Horror/SF". Malgré une saga en montagnes russes et de multiples avis en tout genre, il me semble intéressant de revenir sur la célèbre quadrilogie film par film. À mon sens, ce qui est fondamental à avoir en tête avant de se lancer dans la saga Alien est de comprendre que chacun des quatre films sera une profonde expression de son réalisateur. Nous sommes face à des œuvres ayant été accouchées par de véritables auteurs ayant chacun apporté leur vision et leurs spécificités à la mythologie du xénomorphe.


Cette critique fait suite à celle sur le premier volet que vous retrouverez ici :
Alien : https://www.senscritique.com/film/Alien_Le_8eme_Passager/critique/116712996
Aliens : https://www.senscritique.com/film/Aliens_Le_Retour/critique/116713023
Alien : Resurrection : https://www.senscritique.com/film/Alien_La_Resurrection/critique/116713057


Alien 3 est de très loin le film le plus malade de la saga (je ne dis pas cela de façon péjorative). Chaque film de cette quadrilogie aura son lot d'anecdotes et de problèmes de tournage, mais rien n'égalera les soucis de production de ce troisième volet. La préproduction posa déjà son lot d'éléments problématique, à commencer par l'écriture et le choix du scénario pour cette suite. La production hésitait à faire revenir le personnage d'Ellen Ripley. Il fut un temps question de lancer une production un volet 3 et 4 d'un coup avec Ridley Scott à la réalisation, plusieurs autres noms se succédèrent dont Renny Harlin (Freddy 4, Die Hard 2, Deep Blue Sea,...), pas sûr de l'idée. Après plusieurs conflits d'ego entre plusieurs scénaristes aux visions différentes, une première idée semble sortir du lot : Ripley devrait atterrir sur une sorte de planète en bois habitée par un groupe de moines. Un alien devait intervenir dans le scénario étant alors interprété comme une figure démoniaque. Nous constatons ici des éléments qui serviront de base sérieuse pour le scripte du Alien 3 que nous connaissons. C'est finalement le légendaire duo David Giller et Walter Hill qui produiront le scénario que nous connaissons bien que certains éléments ne soient pas clairs et que ledit scripte ne soit pas totalement terminé. David Fincher, réalisateur de publicités à l'époque, est alors engagé pour tourner ce nouveau film qui est donc son premier long-métrage. Certaines scènes furent tournées sans savoir vers quelle direction irait le scénario, des problèmes de machineries et d'entente dans l'équipe achevèrent de faire ressembler l'ambiance du plateau à un enterrement. Le pire fut probablement le fait que le jeune Fincher se faisait harceler par les producteurs afin de respecter certaines contraintes. Le montage final lui échappa et malgré la réussite artistique du projet il renia le film et clame toujours qu'aujourd'hui personne ne déteste le film plus que lui (il n'apparaît même pas dans les making of pour vous dire). D'autant que les producteurs annoncèrent une sortie alors que le tournage n'était même pas commencé, augmentant alors la tension dans l'équipe, mais également le doute chez les spectateurs. Mais alors, que vaut le film finalement ?


Le récit présenté aboutit finalement à ceci (je précise que la suite de ce texte révélera l'intrigue du film) : Ripley échoue sur Fiorina 161 suite à un problème technique de sa capsule dont elle est la seule survivante. Sur cette planète se trouve une prison retenant les plus dangereux prisonniers de l'humanité. Entre les escrocs, les assassins, les pédophiles et les violeurs, elle est plus terrifiée que jamais. D'autant qu'une créature est arrivée avec elle dans ces lieux et que son pire cauchemar est sur le point de se réaliser...
Je précise que je ne me baserai sur la version cinéma et non la version longue alternative.


Alors qu'Aliens se terminait sur une note assez positive, Ripley ayant vaincu la reine alien et sa culpabilité, elle avait retrouvé son statut de mère en la personne de Newt et un semblant de relation affective avec le caporal Hicks. À la manière de Cameron en 1986, le film de Fincher détruira le film précédent pour offrir à la fois une déconstruction et une évolution (ce qui ne plut pas du tout au réalisateur canadien). Dès son arrivée sur la planète, la jeune femme est seule, les derniers survivants d'Aliens étant tous morts dans la capsule. Ce sera un nouveau choc traumatique pour elle qui perd sa fille une nouvelle fois. Le personnage est donc à nouveau mis psychologiquement à bout et ne semblant plus avoir d'échappatoire au calvaire qu'elle subit.


Détruite, Ripley se retrouve donc au milieu des pires rebuts de la société et doit raser ses cheveux afin de limiter les symboles de sa féminité. La thématique du viol n'a jamais été aussi présente que dans ce troisième opus. Le film renoue énormément avec le premier opus sur ce point mais en exploitant encore plus cette symbolique précise. Le récit introduit un monstre déjà suggéré dans les deux précédents opus peut-être bien pires que l'alien : l'Homme. Ellen Ripley devient la proie des désirs pervers de certains prisonniers elle est un symbole de tentation pour eux. Ces hommes sont domptés par les mêmes pulsions sexuelles que le xénomorphe offrant un parallèle intéressant. La jeune femme est une intruse jusque dans le cadre durant certaines séquences, son intrusion dans l'image venant donc interrompre parfois les paroles et pensées des personnages masculins. Ripley portant en elle le fruit d'un viol physique et mental, la reine alien, elle déclamera d'une façon parfaite l'effet psychologique que peut provoquer ce type de traumatisme : "Tu es dans ma vie depuis si longtemps, que je ne me souviens de rien d'autre". Dans cet environnement pernicieux et terriblement machiste, cela prend tout son sens.


La thématique religieuse est également extrêmement bien menée au sein du film. Les prisonniers de Fiorina 161 sont adeptes du viol et de la violence. Ils ont tous fait le choix de rester sur cette planète quand ils ont eu l'opportunité de la quitter car ils se savent inadaptés à la Terre, la rédemption est impossible pour eux. La plupart d'entre eux se tourneront vers la religion pour trouver un salut, un sens à leur existence. Menés par le charismatique Dillon, ces détenus font échos à ces moines prévus dans l'ancienne version du scénario. Ripley, comme dit précédemment, vient perturber ce culte offrant ainsi le fruit de la tentation à ces rebuts de la société. L'alien sera perçu comme une incarnation diabolique venant expier leurs péchés, un démon ou un dragon (comme il sera nommé dans le film). Cela rappelle l'aspect divin que peut symboliser par moment cette créature, elle est la punition de l'Homme pour avoir été trop haut.


Le xénomorphe offre de nouveaux aspects de lui-même dans Alien 3. En plus d'être plus que jamais associée à un symbole religieux diabolique, nous apprenons avec plus de précisions que la créature se nourrit de l'A.D.N. de son hôte. Naissant dans un chien, son design sera alors quadrupède à la manière de l'animal et est extrêmement rapide. L'aspect religieux fait du monstre une figure de diable voulant profaner l'église des prisonniers, associés à des prêtres. Le seul élément que je serai prêt à remettre en cause au sein de ce long-métrage serait probablement l'incohérence au tout début du récit. En effet, comment la reine alien a-t-elle laissé un oeuf dans le vaisseau et pourquoi a-t-il pris autant d'années à se développer ? Et surtout, pourquoi le facehugger pond à deux reprises dans deux hôtes différents ? La règle établie dès le premier film est qu'une fois que la bête a pondu celle-ci décède. Cependant je pense que nous pouvons passer largement au-dessus étant donné les qualités évidentes du film.


Alien 3 est le résultat d'une hybridation du travail de plusieurs artistes donnant parfois des séquences hétérogènes, mais un ensemble fascinant. La direction d'acteurs, les décors et la musique font énormément dans cet univers si unique et réussi. A mon sens, si les critiques étaient plus que divisées à l'époque, c'est parce que le film a un ton fondamentalement triste. Jamais le récit n'a agi dans une démarche aussi dépressive et touchant au désespoir absolu. Sur cet point, il y a un rapprochement à faire avec le film de James Cameron: la thématique de la guerre du Viêtnam. Le fœtus de la reine alien est en fait cette violence innée que nous avons en nous. Pour les enfants des vétérans du Viêtnam, celle-ci est ancrée en nous. Cela résultera dans le dernier acte au suicide d'Ellen Ripley. La Weyland veut utiliser les xenomorphes comme armes biologiques, le personnage de Sigourney Weaver refuse de transmettre cet héritage et préfère s'auto détruire en se jetant dans du plomb en fusion. Cette dernière séquence fait l'objet du point culminant dramatique, offrant ainsi un adieu émouvant à la jeune femme. Cela est non seulement logique si l'on pense au rapport à la violence de l'actrice mais également au parcours du personnage. Ainsi disparaît Ripley, l'un des personnages étant à mon sens, les plus profond, fort, attachant et sincère du cinéma encore aujourd'hui. Weaver porte une nouvelle fois le film sur ses épaules et incarne définitivement son personnage dans ce long-métrage et ce final. Ellen Ripley devient alors un mythe.


Avec ce troisième film, Fincher offre (malgré se dires) une oeuvre magistrale. Il est évident que le film souffre de ses problèmes de production mais s'avère finalement totalement réussi, réinventant une fois encore la saga. Là où certains y interprètent une trahison à la saga, il faut à mon sens y voir justement une évolution parfaite. Alien 3 revisite la nature humaine et les traumatismes de son époque à la façon des deux volets précédents. Il s'agit d'un long-métrage hallucinant auquel je vous engage, s'il ne vous a pas plu, à vous replonger de toute urgence.

Créée

le 3 avr. 2020

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