« No one understands the lonely perfection of my dreams. » DAVID

En mars 2012, le réalisateur Ridley Scott déclare que Prometheus laisse de nombreuses questions sans réponse et qu'une suite serait utile. Il aimerait que son scénario pourrait se focaliser sur la prochaine destination de Elizabeth Shaw. Il explique que ce futur film pourrait faire le lien entre Prometheus et Alien.

De son côté, le scénariste Damon Lindelof remet en doute sa participation au projet et c’est plutôt une bonne nouvelle si Ridley Scott veut donner des réponses à ses questions. Lindelof est plus connue pour les questions qu’il pose, plutôt que pour les réponses qu’il apporte.

En août 2015, il est confirmé que cette suite se fera retardant le projet de Alien 5 de Neill Blomkamp, puis la supprimant définitivement, selon les souhaits de Ridley Scott.

Ridley Scott explique qu'initialement il ne voulait pas que le xenomorphe original apparaisse dans son film. Il explique avoir changé d'avis à la suite de critiques de fans après Prometheus :

Elles sont montées d’un coup, et elles nous ont permis de comprendre que les fans étaient vraiment frustrés. Ils voulaient voir davantage la créature originale, et moi je pensais qu’elle était définitivement cuite, avec une orange dans la bouche. Alors je me suis dit que j’avais tort. Étrangement, les fans, même si ce ne sont pas eux qui ont le dernier mot, reflètent les doutes que vous pouvez avoir sur quelque chose, et vous réalisez que vous aviez tort ou raison.

Prometheus 2 est donc devenu Alien : Paradise Lost, puis enfin Alien : Covenant, du nom du vaisseau spatial vedette du film, qui parcourt l’univers afin de coloniser une planète lointaine, avec pas moins de deux mille colons à son bord. Le titre est plus vendeur, et corrobore la place grandissante de la créature infernale, vue seulement en toute fin de Prometheus, dans ce nouvel épisode de cette saga longue de quatre décennies.

La musique du film devait initialement être composée par Harry Gregson-Williams, qui avait déjà collaboré avec Ridley Scott. Mais, il quitte le projet pour divergences artistiques. C’est Jed Kurzel qui le remplace, reprenant le thème principal de Alien composé par Jerry Goldsmith, ainsi que le thème de Prometheus composé par Marc Streitenfeld.

Ridley Scott et son compositeur, Jed Kurzel, ne vont pas lésiné sur la dimension ostentatoire des compositions. Ils ne s’attarderont jamais sur le thème phare de la « Création ». Et puis, il faut alors noter la petitesse d’un scénario, écrit pourtant à trois mains par Michael Green, John Logan et Jack Paglen, qui semble incapable de sortir de la stéréotypie des situations et des lieux communs.

Alien : Covenant sort en 2017, supprimant le potentiel Alien 5 de Neil Blomkamp, je le rappel.

Le film démarre avec l’une de ces scènes propres à la science-fiction contemporaine : dialogue de sourds entre le créateur humain et sa création robotique dans une pièce blanche minimaliste sur fond d’images de nature synthétique. Charles Weyland (un jeune Guy Pearce, sans maquillage, et non plus Lance Henriksen) s’entretient avec sa plus récente création, un androïde auto-baptisé David. Cet androïde, c’était le faire-valoir synthétique de Elizabeth Shaw dans Prometheus, dont elle devient aujourd’hui le faire-valoir via un tétanisant renversement de situation. David, c’est désormais le personnage central de la série, c’est l’anti-Ripley, la création devenue Créateur, destructeur de son propre créateur.

Michael Fassbender représente les seuls moments angoissants du film grâce à la confrontation entre les deux androïdes. Oui parce qu’en plus de David, il y a Walter. Fassbender prend un malin plaisir à jouer de sa voix et de son regard pour infuser un brin de perversité à un univers qui, étrangement, en manque.

Le nom de l'androïde, Walter, joue sur un effet de miroir avec celui de David commençant par D, quatrième lettre de l'alphabet. Étant son double, le nouvel androïde utilise W, quatrième lettre de l'alphabet en partant de la fin. Par ailleurs, les noms David et Walter sont des clins d’œil à David Giler et Walter Hill, qui sont impliqués dans la production de la franchise depuis le tout premier film.

Il faudra malheureusement attendre presque une heure avant de revoir David, une heure d’errance nostalgique. Ridley Scott se permet alors de nous resservir le même carton-titre constructiviste qu’en 1979, le même plan fétichiste de vaisseau ambulant dans l’espace avec les mêmes sous-titres explicatifs et la même mélodie d’arrière-plan, le même réveil forcé de l’équipage pour répondre au même signal de détresse provenant du même vaisseau des mêmes Space Jockeys, le même plan de décrochage de la navette modulaire, qui essuie les mêmes remous atmosphériques pendant l’atterrissage, soumettant l’équipage aux mêmes désagréments. Les deux nouveautés majeures sont néanmoins cruciales à noter : il s’agit de la facture ultra-léchée de la production et de la caractérisation lacunaire des personnages, pâles copies des pittoresques membres d’équipage du Nostromo.

Oui, parce que si j’ai très vite parlé de Michael Fassbender, je n’ai absolument rien à dire sur le reste du casting. Des personnages transparent servant de chair à canon. Katherine Waterston est une Ellen Ripley du pauvre, je ne me souviens guère des autres membres de l’équipage et le meilleur rôle revient à un James Franco finalement inexistant.

C’est donc un spectacle vain et chatoyant qui constitue la première partie du film, un spectacle nostalgique parasité par la panacée scénaristique du précédent film, soit le mystérieux pathogène noir qui fait tout, arrachant des corps infectés une poignée de créatures hybrides, prétextes à quelques scènes d’action qui détonent fortement avec la facture atmosphérique du premier film.

C’est dans la scène de la nécropole que tout fait sens, et particulièrement Prometheus, qui se révèle aujourd’hui comme un chaînon narratif entre ce film et la saga originale. C’est dans cette scène que tout est joué, à renforts de verbeux échanges entre David et les autres personnages, particulièrement Walter. On assiste alors à la passation des pouvoirs entre Ripley et David, désormais point focal de l’intrigue, mais surtout, au dévoilement des origines de la créature, du moins dans sa glorieuse forme. Le tout se déroule dans une série de pièces transformées en espace vital pour le robot renégat, mais aussi en laboratoire improvisé et en salle de dessin. Il contient surtout le cadavre de Elizabeth Shaw, victime apparente d’expériences grotesques, ainsi que le tout premier œuf de facehugger, création triomphante d’un biologiste aigri, le suffisant David, qui se dédouble ainsi en dieu, en son propre créateur, et en l’artisan extra-diégétique de la créature, Hans Ruedi Giger.

Ainsi, David devient Hans Ruedi Giger, le père de la créature et la pierre d’assise d’un univers en constante expansion. Création artistique et création biologique deviennent alors le propre du robot, et c’est ainsi que fleurit finalement le bulbe de la science-fiction au cœur de la série, soit dans la question transcendante de la fécondité robotique. C’est aussi dans celle-ci que l’horreur se décuple, remplaçant la froide efficacité d’un monstre guidé par l’instinct par celle d’un monstre guidé par la raison, un despote utilitariste pour qui la vie intelligente mérite d’être exterminée. Pourfendeur potentiel de l’entière civilisation des Space Jockeys, qu’il expose ici à l’agent pathogène, il serait, selon le scénario, l’architecte de tous les événements des films précédents.

Évidemment, il reste maintenant à expliquer comment il aurait pu fournir des œufs de xenomorphes aux Predators pour leurs chasses dans la pyramide de Alien vs Predator, mais c’est là le travail des futurs scénaristes en herbe qui devront unifier la chronologie officielle…

Quant à la perspective racoleuse des origines de l’humanité, elle nous amène malheureusement dans l’impasse de l’évolution. C’est alors qu’on comprend que Prometheus n’a jamais vraiment aspiré à retracer nos débuts, mais seuls ceux de la créature. Pourquoi ? Parce que la créature ne se suffit plus à elle-même, et Ridley Scott s’affaire désormais constamment à le démontrer. Lors de la confrontation entre l’équipage et les deux premiers  neomorphes , on constate clairement que ceux-ci font figure que de petite monnaie. Les deux scènes de combat avec les xenomorphes créés par David pâtissent d’ailleurs de tares filmiques, reléguant la créature à un rôle de soutien dans des séquences d’action sursaturées.

Adoptant le point de vue de David l’androïde, Alien : Covenant propose un étrange happy end. Epilogue évidemment désastreux si l’on privilégie les intérêts de l’humanité, mais ce n’est plus le souci de Ridley Scott. La musique est grandiose, mais ce n’est pas l’homme qu’elle célèbre, elle surgit pour chanter la vie à venir de Dieux xenomorphe, sur laquelle veille une étrange famille composée de l’ordinateur Mother et d’un androïde.

StevenBen
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le 21 août 2024

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Steven Benard

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