**Attention Spoilers*


Plus de trente après Alien, Ridley Scott s’aventure de nouveau dans l’univers qu’il a contribué à créer et a su admirablement mettre en image. Un retour qu’il va effectuer, non pas en signant une suite mais par le biais de plusieurs préquels en revenant sur les mystères de son deuxième long métrage.


Tout d’abord avec Prometheus, récit de science-fiction épique où Scott se questionne sur les origines de l’humanité, puis avec Covenant, aventure horrifique, faisant habilement le lien entre Prometheus et Alien.


Il apparaissait déjà clairement que l’ambition de Ridley Scott était différente, plus grande, plus riche et plus complexe que tout ce qui avait été établi par le passé dans la franchise. Malgré une marge de manœuvre plutôt limitée, Scott s’est essayé à un élargissement de son univers dans le sous-estimé Prometheus, en donnant vie au space jockey et maintenant dans Covenant en expliquant la création de l’Alien. Tout en y développant des thématiques qui lui sont chères.


Alors que l’on pouvait craindre qu’il s’éloigne de Prometheus suite à sa réception en demi-teinte, le réalisateur britannique est pourtant parvenu à garder un vrai fil conducteur dans son nouveau long métrage. Non sans mal. Les exigences du studio, déjà importantes lors de l’élaboration de Prometheus, furent toutes aussi contraignantes. Le retour de l’Alien est vite devenu indispensable, d’autant plus que Blomkamp travaillait de son côté sur un reboot de la franchise et dont l’annonce avait émoustillé plus d’un fanboy. Ridley Scott pense la bête finie, mais il se résoudra à la faire revenir pour pouvoir continuer son histoire. Il semble impensable pour lui de lâcher une nouvelle fois son bébé. Rappelons qu’il n’avait pas été approché pour réaliser la suite d’Alien, qu’il fut un temps attaché à Alien3 et pressenti pour collaborer sur un Alien V.


L’ironie est que Scott fera finalement sa suite rêvé d’Alien en 2017. Au début des années 80, il déclarait vouloir revenir sur les origines de la créature. La présence requise du monstre de Giger va lui permettre de réaliser un de ses plus vieux fantasmes.


Alien: Covenant a donc deux ambitions, la première est de poursuivre l’aventure des survivants du Prometheus et la seconde de renouer avec l’esprit horrifique d’Alien. De ce fait, Ridley Scott prendra la sage décision d’introduire un nouvel équipage. Un choix justifiable puisqu’il semblait compliqué de suivre exclusivement la quête de Shaw (et David), risquant de minimiser l’approche viscéral et sanglante désirée. Non pas que cette option m’aurait déplu, bien au contraire, mais dans le monde actuel des blockbusters, cette possible version du script n’aurait surement pas trouvé un financement à la hauteur des ambitions de son réalisateur.


Un cahier des charges des plus copieux, les exigences des producteurs, un budget « limité » (100M$), un background compliqué à gérer, un scénario remanié plusieurs dizaines de fois… Autant dire que la mise en image de cette suite et préquel fut laborieuse et l’attente bien longue (5 ans).


D’un point de vue personnel mes attentes étaient particulièrement élevées, et cet Alien : Covenant, n’est pas passé loin de me combler totalement, prenant un chemin beaucoup plus surprenant que je ne me l’étais imaginé. Le film échoue malheureusement dans son dernier acte et laisse un goût amer. En résulte une œuvre étrange, où la vision de son auteur se heurte une énième fois à celle des producteurs (attention évitons la caricature du bon réalisateur contre les méchants producteurs, Scott possède les deux étiquettes), excellente pendant plus d’une heure, et bâclé dès que l’Alien fera son apparition. Celui-ci n’étant qu’un élément très secondaire de ce nouvel épisode de la franchise Alien.


Pourtant cet Alien : Covenant derrière sa structure narrative habituelle et ses références (fan service) forcées propose une variante de blockbuster, loin de la mouvance actuelle, que l’on n’avait pas vu depuis fort longtemps… peut-être est-ce le décalage entre les motivations de Ridley Scott, les demandes du studio et les envies du public. En ressort un film un brin bordélique mais sans concession, et aussi sombre dans l’image que dans le texte. Décevant, mais donc fascinant. Le pessimisme dont fait preuve Scott depuis quelques années se ressent violement dans Covenant et dans ses personnages humains qu’il maltraite. On retrouve ici la même approche radicale que pour The Counselor. Une noirceur que l’on avait déjà plus ou moins aperçu dans Alien3 et qui sied à merveille à l’esprit de la franchise. Si le pari de l’horreur vendu n’est pas totalement respecté, l’ambiance macabre, malsaine et palpable du film emporte l’adhésion. Cette proposition très personnelle est malheureusement mal digérée par les artifices obligatoires que nécessite une telle entreprise, en accouche une proposition maladroite. Le dernier acte apparaît comme une vaine tentative de donner au public ce qui l’attend. Terriblement frustrant, puisque il ne s’agit que de dix minutes, en trop ou pas assez, qui plombe le dernier acte et empêche le film de se hisser au côté des meilleurs épisodes de la saga.


DAVID


Comme pour Prometheus, Covenant soigne son entrée. Alors que le premier nous montrait le sacrifice d’un ingénieur être source de création de l’humanité, l’introduction de Covenant nous dévoile, dans une brillante séquence, la rencontre entre l’androïde David et son créateur Peter Weyland. Non seulement cette scène charnière définit tout ce que représente Alien : Covenant (la création, l’immortalité et l’art) mais elle permet aussi de mieux saisir la personnalité de David, et ses agissements lors de l’expédition maudite du Prometheus. D’une pierre deux coups. Comprenez donc que David est le lien entre les deux films, et le cœur de cet Alien : Covenant. Volant la vedette à la créature elle-même et tous les autres personnages.


Dès sa première conversion avec Weyland, David va remettre en question sa condition que lui impose son créateur. Pourquoi servir l’humanité alors que celle-ci lui est inférieure ? Weyland est mortel, lui non. Il est diablement plus intelligent et cultivé que son créateur.


La mort de son mentor par l’ingénieur est l’élément libérateur. « Ne désire-t-on pas la mort de nos parents » dit-il dans Prometheus. Les évènements sur LV223 vont lui permettre d’aller au-delà de sa condition de serviteur. Il avait déjà cette fascination pour ce nouveau monde, ce liquide noire qu’il va utiliser à son tour dans le but de détruire puis créer. Holloway -qui lui explique qu’il a été créé uniquement parce qu’on en avait la possibilité- fut sa première expérience.


Son dégoût de l’humain est déjà bien prononcé, il ressent même de la pitié à l’égard du sort de Weyland, mais il est aussi partagé sur la nature de ces ingénieurs, éprouvant à la fois fascination et déception. Lui rappelant que chaque créateur finit par rejeter sa créature. A ses yeux, les deux races ne valent pas mieux l’une que l’autre.


Son arrivée sur ce paradis est une aubaine, une renaissance pour lui, où il pourra assouvir son besoin de création. On y retrouve étrangement le reflet de son créateur, cette même passion pour la création et l’art. Ridley Scott va par ailleurs multiplier les références au Paradis Perdu de Milton ou l’île du Docteur Moreau de Wells, faisant de David un hôte terriblement dangereux et séduisant. Cette fascination artistique, qui le caractérise, se transpose ainsi à l’image dans toutes ses apparitions. Que ce soit l’introduction, la conduite de l’équipage à la nécropole, le temple extérieur (magnifique illustration de Bocklin), son laboratoire… Toute la folie et l’obsession du personnage se voit à travers un décor grandiose, à la hauteur du Dieu qu’il est devenu. Tout au long de sa carrière, Scott a su mettre en avant des antagonistes mémorables (Roy Batty, l’Alien, Darkness, Hannibal, Commode, Saladin, Malkina…) et il ne déroge pas à la règle ici. Mieux il montre qu’il est encore possible d’avoir un grand méchant dans un blockbuster, un personnage qui ne se contente pas d’être le reflet de l’héros mais bien plus encore. Et rien que cela confère à Alien : Covenant une qualité devenue très rare de nos jours.


WALTER


David n’est pas le seul synthétique présent dans le long métrage. Michael Fassbender se permet de jouer un deuxième robot bien différent nommé Walter (on notera le clin d’œil aux producteurs David Giler et Walter Hill). Walter est l’androïde du Covenant et a pour mission de s’occuper du navire et de veiller sur l’équipage, il s’agit d’un modèle dernière génération privé des caractéristiques humaines et émotionnelles que l’on peut retrouver chez David. Il n’a pas la capacité de faire autre chose que ce que pour quoi il a été conçu, c’est à dire servir son maître ! Cette différence de conception sera le point de départ d’une étrange relation entre les deux protagonistes. David voit en Walter, un possible compagnon de route capable de comprendre ses motivations et ses désirs. Lors d’une surprenante scène homoérotique, David va séduire Walter par le biais de l’apprentissage de la flûte, afin d’éveiller en lui ce désir créatif dont il ignore l’existence. Le charme de David restera vain, le programme de Walter ne pouvant le corrompre. La dynamique du duo est l’un des intérêts majeurs du film, peut être celui où Scott a pris le plus de plaisir, cela contribue à développer une facette de David qui nous était jusqu’à le encore inconnu.


SHAW


Lumineuse telle est le mot qui me vient à l’esprit pour évoquer Elizabeth Shaw. Pleine de vie, fragile et forte, à la recherche de son créateur. Ce personnage était le moteur émotionnel de Prometheus. Sa joie, suite à la découverte de son créateur, à vite laisser place à la déception, une fois les intentions des ingénieurs révélées. Shaw a tout vécu et perdu sur LV223, la perte de son compagnon, la déception des ingénieurs, une spectaculaire césarienne… et la foi l’anime encore malgré tout. Elle récupère symboliquement sa croix, et dans un but purement spirituel demande à David de la conduire sur Paradise. Non seulement pour connaître les motivations des ingénieurs et aussi dans l’espoir d’apprendre qui les a fabriqués eux. Shaw sait que ce voyage sera son dernier, elle ne se doutait surement pas du terrible sort que David lui avait réservé ! Son destin est certainement ce qu’il y a de plus macabre dans Covenant et la franchise toute entière.


Maintenue en vie pour servir de cobaye pour les expériences et les fantasmes les plus fous de David. Mutilée, disséquée, torturée… sa quête spirituelle s’est métamorphosée en une effrayante abomination gigeresque. Son incapacité à procréer a quelque chose de tristement ironique maintenant qu’elle est mère malheureuse d’aliens.


Malgré l’absence de Noomi Rapace, le destin de son personnage est au cœur du film. Son appel de détresse est à l’origine de l’arrivée du Covenant (quelle ironie encore une fois) et toute l’intrigue s’articule autour de son sort. Ridley Scott prend un malin plaisir à nous dévoiler bout par bout la terrible finalité de la chose. L’image de son corps transformée restera à coup sûr dans les mémoires. Nul doute que ce choix ne laissera pas indifférent, et risque de braquer une grande partie des adorateurs de Prometheus.


Sa relation avec David, passionnante dans Prometheus, n’est malheureusement que sous-entendu dans Covenant. L’androïde avoue son « amour » dans un moment critique du film, pour celle qui a fait preuve de compassion comme il n’avait jamais vu auparavant. Une affection que l’on retrouvait déjà de manière sordide dans le précédent film où David pénétrait l’esprit de Shaw (rêves) et plus concrètement par l’expérimentation faite sur Holloway (meurtre), le compagnon de Shaw.


DANIELS


On notera aussi quelques similitudes entre le parcours des héroïnes Shaw et Daniels. Toutes les deux partageant une relation privilégiée avec leurs androïdes. Leurs compagnons, Holloway et Branson, sont tous les deux morts dans le feu. Elles ont été sauvé par les synthétiques. Toutes les deux portent un pendentif, l’un symbolisant la foi, et l’autre son avenir. L’avenir de Daniels semblant fortement compromis suite à la révélation finale, et dont le sort risque d’être semblable à celui de… Shaw.


Daniels est un personnage féminin intéressant, mais un peu effacée car restant toujours dans l’ombre de Ripley et Shaw. Son parcours personnel est quelque peu secondaire dans le film. Daniels se révèle surtout dans le dernier acte où elle préfère affronter frontalement la bête au lieu de fuir.


Quant au reste de l’équipage, il est nombreux et n’a peut-être pas la visibilité qu’il mérite, néanmoins la majorité des personnages secondaires ne sont pas sacrifiés, le fait de mettre en scène des couples est excellente et apporte une touche émotionnelle pendant le récit, légère peut-être, mais elle existe... On retrouve cette idée de double tout le long du récit (deux androïdes, deux néomorphes, deux xénomorphes). J’ai particulièrement apprécié le personnage indécis qu’est Oram (que j’évoque ci-dessous), mais aussi Karine et le couple Tennesse/Faris. Ce groupe de colonisateur agit humainement et souvent logiquement, loin de la froideur et parfois idiotie de l’équipage du Prometheus. Sans atteindre le standing du Nostromo, ou l’alchimie du Sulaco, le Covenant est un bon cru.


PARADIS ET ENFER


Initialement baptisé Alien : Paradise Lost, c’est sans surprise que nous retrouvons cette notion de Paradis dans le dernier Scott. Tout comme Prometheus, ce nouveau long métrage est riche en sous texte, symboles et idées. Le vaisseau Covenant, qui donne son nom au film, est un choix tout sauf anodin. La simplicité de son récit dissimule un angle religieux tout à fait surprenant dans un film d’une telle envergure, moins lorsqu’on sait à quel point ces questions taraudent l’esprit de Ridley Scott depuis quelques années.


Le Covenant, au sens religieux, est un pacte entre Dieu et les hommes. Dans le long métrage, cette alliance a pour but de mener les colons vers une nouvelle planète et ce dans le but de commencer une nouvelle vie. La solidité de cette alliance sera testée en cours de voyage, sous la forme d’une tempête aux conséquences désastreuses. L’équipage du Covenant va échouer et ainsi rompre ce pacte en refusant de passer quelques années supplémentaires dans les caissons de cryostases pour rejoindre la planète qu’ils avaient initialement prévu de coloniser. Par facilité, ils vont opter pour cette nouvelle terre, à l’apparence saine et propice à la vie. Cette planète qu’aucune sonde spatiale n’avait repérée, comme si Dieu ne voulait pas que ces colons rejoignent ce lieu trop beau pour être vrai. Cette décision est prise notamment par Oram -magnifiquement joué par Billy Crudup- le nouveau capitaine du navire et surtout homme de foi, mieux placé pour savoir que cette promesse de renaissance pourrait se briser une fois les colons écartés du chemin voulu par Dieu. Le Covenant atterrit dans l’eau, évoquant l’idée d’un baptême. Les colons ne tarderont pas à trouver du blé et se projettent déjà dans leur nouvel habitat. Ils ne savent pas encore qu’ils sont d’ores et déjà condamnés. Le pacte rompu, Dieu ne peut les suivre dans cet ultime voyage au fin fond des abysses, où le mal absolu règne et ce en prenant une forme innocente et rassurante. Ce paradis n’est que faux semblant et se révèle très vite être l’enfer espéré par le spectateur. [D’ailleurs Scott s’amuse à mettre la noirceur de ce monde à l’écran, l’image est très sombre, toujours entre la nuit et la pluie et Dariusz Wolski nous régale avec sa gestion de la lumière.] Tout enfer mérite un hôte et il n’est pas bien difficile de voir que David, représentation de Lucifer/Satan, en est le terrible maître des lieux. Et comme la planète, il va user de son charme pour séduire les colons. Sa première apparition, dans une tenue d’ingénieur pour bien signifier sa grandeur, sera salvatrice pour les survivants. En tant que bon hôte, il s’empresse de conduire ses invités dans sa sinistre demeure. [La découverte de la nécropole est hallucinante de beauté] et dont les couloirs sous terrains représentent à nouveau l’enfer. Le subterfuge ne perdurera pas longtemps avant que David révèle ses mauvaises intentions. Oram, dont le trait religieux prend tout son sens au fur et à mesure du récit, voit en David le diable qu’il avait vu dans sa jeunesse, et il est symboliquement choisi par le synthétique pour contempler son travail et être son nouveau cobaye. La scène du chesburster est certainement le point culminant du film. Le capitaine reprend difficilement conscience après le jeté symbolique de pierre, et pense voir son sauveur un bref instant, avant de comprendre que David se tient devant lui. Encore une fois, Satan joue des apparences, mais dans cette cave souterraine il n’y a qu’une mort pénible et atroce qu’attend le pauvre Oram. Dans son dernier souffle il demande à David quel est son but, ce dernier lui répond sournoisement (et ce comme si il répondait à son dieu) ‘création’. Et dans ce dessin satanique, cette notion est affilée à la destruction de l’humanité, pour aboutir à la naissance du premier Alien. [Notons la glorification de la bête aux yeux de Scott (et David) avec cette grandiose et touchante partition de Jed Kurzel. La séquence du chestburster qui n’était que barbarie dans Alien se mute en séquence élégante et émotionnelle dans Covenant, le contrepied total.]


Le fait que Shaw soit stérile n’est pas anodin non plus, Dieu ne lui a pas offert la possibilité de procréer, mais Satan en a décidé autrement en faisant d’elle la mère de ses enfants, de ses démons. On remarque que la croix de Shaw, si présente dans Prometheus, a complètement disparue ici, comme si elle avait été absorbée par l’horreur de ce monde.


Dévoilé durant un flashback épique, l’extermination des ingénieurs est le basculement définitif de David dans la peau de Satan. En effaçant toute vie sur ce paradis, il devient seul maître à bord de cet enfer. Ce qu’il le condamne paradoxalement à vivre éternellement sur cette planète. C’était sans compter sur la faiblesse de l’homme, en usant de ses artifices il va réussir à quitter cet enfer et rejoindre le Covenant.


INGENIEURS


Comme Shaw, le rôle des Ingénieurs dans Covenant est limité. Pour autant leur empreinte tout le long du récit est réelle, et la découverte de la Nécropole ouvre quelques perspectives les concernant. Sans forcément répondre directement aux questions que Prometheus soulèvent, il confirme plus ou moins les théories à leur sujet.


S’il est difficile d’affirmer si oui ou non il s’agit de la planète d’origine des Ingénieurs, on en déduit que c’est une race extrêmement ancienne et colonisatrice, au bord de l’extinction, cloisonnée sur cette planète. Peut-être dans l’attente de quelque chose, du retour de l’un des leurs ? L’approche du Juggernaut génère une réaction plus que positive auprès de la foule. Cette réaction conforte dans l’idée de plusieurs castes au sein de leur race. Je scinderai les ingénieurs en deux groupes, celui du peuple, et celui des créateurs que les premiers considèrent comme des Dieux. De nombreux indices visuels sont ainsi dévoilés. Notamment l’architecture de la cité, dont les traits romains ne sont pas sans rappeler l’idée de colonisation et d’empire. Le temple des têtes et les innombrables statues présentent sur la nécropole semblent indiquer une réelle fascination du peuple pour les ‘hommes’ qu’elles sont censées honorer. Peut-on penser qu’une poignée d’ingénieurs ont découvert le liquide noir et que ses capacités extraordinaires ont fait d’eux des dieux auprès des leurs. Ceci expliquerait la relative différence entre les ingénieurs de Covenant (le peuple) et celui de Prometheus (les dieux). Les premiers semblent vivre en toute modestie (est-ce un choix ou une contrainte ?), tenues antiques, lieux de cultes, citadelle dépourvu de toutes technologies… alors que les seconds sont tournés vers la science et la création, en témoigne la base militaire de LV223 (véritable laboratoire expérimentale laissée à l’abandon car potentiellement mortelle), les nombreux vaisseaux, leur seconde peau biomécanique impressionnante, la présence des urnes…


On peut noter la présence de la flûte dans les deux films, celle-ci connue pour être l’instrument le plus ancien au monde, peut être symbolise t’il la simplicité et l’ancienneté des ingénieurs ?


Le sort des Ingénieurs sur Paradise est sans échappatoire, pour autant la possibilité de les revoir dans une suite n’est pas impossible, il y a définitivement un background à développer. D’autant plus que celui des Alien nous est plus ou moins révélé dans Covenant.


ALIEN


Peut-être le point le plus sensible du récit, l’origine de l’Alien était un élément que beaucoup de personnes ne voulaient pas connaître. Et Ridley Scott met les deux pieds dans le plat concernant sa création, et forcément sa vision a de quoi brusquer. Ce choix, qui j’avoue m’aurait rebuté il y a quelques années, ne me paraît pas incohérent avec la franchise, et prend finalement même tout son sens après réflexion, du moins si on garde bien à l’esprit que la saga débute avec Prometheus.


Un androïde, création de l’humain et créateur de l’Alien. L’Alien n’étant donc que la progéniture d’une réalisation humaine ? Ceci était difficilement imaginable à la vision d’Alien en 1979. Pour autant, ce n’est pas incompatible avec les évènements de la franchise. Tout ce qui concerne l’Alien est lié aux œufs présents dans l’épave du premier film, ou d’un clonage miraculeux dans Résurrection. Il est fort probable que dans une hypothétique suite, l’on s’intéresse à la cargaison mystérieuse du premier Alien, et que tout ceci découle des expériences de David. Scott fait donc de la création de l’Alien, un acte isolé. On peut souligner la différente perception vis-à-vis de l’Alien entre les hommes et les androïdes, les premiers veulent l’apprivoiser en tant que machines de guerre alors qu’il incarne la perfection aux yeux de David puis de Ash (les deux androïdes ont ce même regard fascinant). David ne cherche pas à créer une arme, seulement un organisme parfait, avec un système d’évolution complexe, et capable de se reproduire. On peut voir sur les croquis présent dans son labo que l’Alien est le fruit de nombreuses spécificités présentes dans des corps (insectes en partie) déjà existants. On aperçoit brièvement un dessin d’une abeille, ou comment évoquer brièvement et subtilement la possibilité d’une reine… Tout cela n’est évidemment possible qu’en présence du liquide noir, liquide qu’il a récupéré dans quelques urnes du vaisseau et contenant vraisemblablement un code génétique capable d’engendrer des monstruosités (voir le néomorphe). Il apparaît évident que les ingénieurs ont aussi eu recours à diverses expériences pour en arriver à un tel résultat, le néomorphe semble ainsi plus que féroce que n’importe quelle créature. Les fresques dans Prometheus, si elles ont encore un sens dans Covenant, délivrent surement le secret de ce fluide.


Et si pour David, finalement, tout cela n’était que de l’art ? Ridley Scott semble insister sur l’idée que l’art est l’unique héritage qui résiste au temps et à la mort.


RIDLEY SCOTT


Si le réalisateur a su bien intégré le concept de la création de l’Alien aux évènements post Prometheus, il a semblé manquer d’inspiration pour rendre la créature de nouveau iconique, mémorable ou un minimum effrayante. C’est le principal reproche que je ferai au film, à l’instar de quelques autres facilités scénaristiques (la mort de Rosenthal, l’absence de casques). Non seulement le dernier acte n’est qu’un resucée de ce que l’on a déjà vu dans la franchise, mais il trahit aussi le corps du film, démarrant comme une sombre aventure angoissante et se terminant en film d’action bourrin pressé de se terminer. C’est d’autant plus regrettable que le potentiel était là, avec un montage un peu moins sec et une meilleure gestion du temps, la dernière partie sur le vaisseau aurait pu être intense. Elle paraît d’autant plus fade que jusque-là, le récit était rondement mené avec son lot de révélations, de grandes séquences, d’imagerie forte, de grandioses décors, de symboles religieux… tout ceci prend fin dès le retour sur le Covenant. Suffisant pour laisser un souvenir décevant.


Ce film, comme Prometheus, fera surement davantage parler de lui en mal qu’en bien. Pas incompréhensible puisque le projet en lui-même se met à dos ceux qui attendaient une suite de Prometheus avec le retour au premier plan de Shaw et des ingénieurs, et ceux qui attendaient le retour d’un vrai film Alien. Pour autant nous sommes réellement en face d’un film très personnel, certes en rivalité constante avec les pulsions commerciales de son auteur et son entourage professionnel. Le résultat est comme bien souvent clivant!


On retrouve cette même approche que pour Hannibal (la seule suite que Scott avait mis en scène jusque-là), mêlant horreur, gore et grotesque, dressant un généreux portrait de son antagoniste (Hannibal – David), long métrage truffé de références artistiques. La deuxième partie se déroulant à Florence, demeure de Lecteur, fait directement écho à celle se déroulant dans le temple, demeure de David. Il y a aussi du Legend dans Covenant, où l’on retrouve littéralement l’idée du paradis et de l’enfer.


Il est intéressant de voir que comme pour chacun de ses films historiques (1492, Gladiator, Kingdom Of Heaven, Robin Hood, Exodus), la relation père-fils prend une place significative et conditionne le voyage du héros (ou pas). Nous ne sommes pas dans une œuvre historique, mais l’esthétisme de la citadelle n’est pas sans rappeler la passion de Ridley pour ces mondes du passé.


Si le réalisateur était en panne d’inspiration concernant sa créature, il est toujours aussi brillant pour créer de véritables mondes et des images qui restent bien en tête. Souvent conspué pour ses scénarios, Scott reste pourtant un des rares réalisateurs à mettre autant du sien dans ces grandes entreprises. Si les scénarios sont perfectibles et les montages pas toujours très fins, ses long métrages sont toujours riches en sous textes et symboles. Ce qu’entreprends Scott dans ses préquels est donc tout à fait respectable, bien que sa vision ait été bousculée entre la sortie des deux films, son angle d’approche se veut rafraichissant. On assiste à la redéfinition d’une mythologie, devenant plus importante et complexe, et thématiquement surprenante.


Il y a peu de chances qu’une ultime suite voit le jour après la réception glaciale du public, peut-être est-ce mieux ainsi. Laisser un peu de mystère sur le futur voyage de David et le sort des 2000 colons… Peut être venu le temps pour lui de passer le flambeau et de finir sa carrière sur des projets originaux.
Dans tous les cas ce retour aux sources de Scott dans cet univers fascinant et mystérieux avec Prometheus et Covenant m’aura enchanté comme rarement. A KING HAS HIS REIGN

Xsmooth
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le 26 juil. 2017

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