Asperge le mytho
Le dédale nous égare : Ridley Scott, en retournant à ses premiers amours, ne nous en facilite pas nécessairement l’accès : retour du monstre, suite de son prequel, quête des origines, récit fondateur...
le 12 mai 2017
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[© @vvedeka pour le titre]
Oeuvre inégalable de science-fiction, la tétralogie Alien formait jusqu'à aujourd'hui un ensemble à la fois parfaitement cohérent et totalement protéiforme, basé sur une idée simple (un extraterrestre sanguinaire se sert d'humains comme hôtes pour se reproduire), mais toujours renouvelée avec panache par quatre auteurs au style radicalement opposés (l'épouvante minimaliste et esthétique du premier film bascule vers le spectaculaire avec le sequel de James Cameron, pour ensuite amorcer un tournant plus psychologique et crépusculaire sous la houlette de David Fincher, avant d'être miné de l'intérieur par le cynisme débridé de Jean-Pierre Jeunet dans un final injustement contesté).
Alors qu'un cinquième épisode mis en scène par Neill Blomkamp (District 9) devait voir le jour, Ridley Scott, réalisateur de l'Alien originel, avorte ce projet de suite pour développer dans son coin une préquelle de la saga, déjà bien maladroitement esquissée en 2012 avec son Prometheus.
En effet, là où Prometheus aurait pu renouer concisément avec le célèbre Space Jockey du film de 1979, celui-ci nous laissait au contraire sur un cliffhanger brouillon, avec moult pistes narratives et questions irrésolues. La boucle était loin d'être bouclée et Ridley, déterminé à réaliser d'innombrables suites malgré les retours mitigés des fans, semblait prendre en otage ses scénaristes pour qu'ils écrivent de la manière la plus compliquée possible les prémices, non seulement de sa créature, mais aussi de l'humanité toute entière !
Toujours entre créationnisme et philosophie de comptoir (qui suis-je, d'où viens-je etc.), Alien: Covenant comporte donc sans surprise les mêmes problèmes que son prédécesseur : l'épure et l’homogénéité des débuts laissent place à un éparpillement foutraque de scènes inutilement spectaculaires, de personnages superflus et de discours abscons, censés masquer les faiblesses d'un scénario bien farfelu. Question temporalité, on s'est notamment étonné de la croissance aléatoire de certains monstres. Par ailleurs, l'emblématique Xénomorphe n'effraie même plus, tant il est exhibé par une mise en scène blockbusteresque peu inspirée (elles sont loin, les apparitions terrifiantes et millimétrées de la bête dans le Nostromo).
Acharné à vouloir expliquer dans les moindres détails la genèse de sa mythologie (forcément décevante par rapport aux fantasmes des spectateurs), Ridley Scott sombre néanmoins dans une telle folie des grandeurs que ce long-métrage aux allures de pétard mouillé prend une tout autre dimension, et ce grâce à la prestation démente d'un Michael Fassbender en vrille, interprétant non pas un, mais deux androïdes jumeaux. Le plus fourbe d'entre eux, un artiste-biologiste un peu déviant, s'apparente de toute évidence à Scott et à sa pratique de cinéaste en plein délire. S'ensuit alors un espèce méta-festival grandiloquent et complètement misanthrope sur l'acte de création qui s'autorise toutes les fulgurances, même les plus kitsches : on a carrément droit à des tirades sur fond de Wagner, à une leçon de pipeau entre les deux Fassbender, ou encore à une tension homoérotique appuyée par l'esthétique très tendancieuse de H. R. Giger... La déception se transforme alors en un véritable plaisir régressif, tant le film semble avoir été écrit sous champignons hallucinogènes.
La dinguerie jouissive du propos sauve donc Covenant du naufrage (puisqu'on est sympa, on pense également beaucoup de bien du contre-emploi de Danny McBride, ainsi que de la première scène d’accouchement, tétanisante à souhait). Certes, il est peut-être regrettable d'en arriver à un tel niveau de lecture pour apprécier un Alien, mais papy Scott aura au moins su nous surprendre malgré lui.
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Créée
le 13 mai 2017
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