"Alien - Le 8ème Passager" de Ridley Scott (1979), longtemps encensé comme un chef-d'œuvre du cinéma de science-fiction et d'horreur, mérite peut-être un regard plus critique à l'aune des standards contemporains. Si le film brille par sa réalisation technique et son atmosphère oppressante, il pèche par des faiblesses scénaristiques et des incohérences qui ternissent son statut de classique incontesté.
*Une mise en scène magistrale dans un écrin narratif fragile*
Scott excelle dans la création d'une ambiance sombre et anxiogène. Les couloirs exigus du Nostromo, baignés d'une lumière blafarde, deviennent le théâtre d'une traque implacable. Cependant, cette prouesse technique ne parvient pas à masquer entièrement les failles d'un scénario parfois bancal. Les décisions illogiques des personnages - comme l'imprudence face aux œufs aliens ou les désaccords sur la sécurité à bord - sapent la crédibilité de l'intrigue.
*Une approche philosophique décevante*
Le film tente d'explorer des thèmes existentiels au-delà de son cadre horrifique, abordant des thèmes comme la peur de l'inconnu, la vulnérabilité humaine face à la technologie et la lutte pour la survie dans un environnement hostile. Le film effleure également des questions de dynamiques de pouvoir, d'exploitation capitaliste et de stéréotypes de genre. Cependant, ces réflexions plus profondes sur la condition humaine restent souvent en arrière-plan, éclipsées par l'intensité de l'action et de l'horreur qui dominent le récit. Bien que présents, ces éléments ne sont pas développés de manière approfondie, laissant au spectateur le soin de les interpréter. Cette approche subtile peut enrichir l'expérience pour certains, offrant une lecture plus complexe du film, mais risque également de passer inaperçue pour d'autres, réduisant "Alien" à un simple thriller spatial efficace mais sans grande profondeur philosophique.
*Des personnages inégaux dans un casting en demi-teinte*
Si certains acteurs livrent des performances mémorables, notamment Sigourney Weaver dans le rôle de Ripley, d'autres semblent jouer sans conviction. Les membres de l'équipage peinent à dépasser le stade de simples archétypes. Cette disparité nuit à l'immersion du spectateur et affaiblit l'impact émotionnel des disparitions successives de l'équipage.
*Des éléments scénaristiques discutables*
L'inclusion du chat Jonesy, bien que servant de ressort narratif, apparaît souvent comme un élément grotesque, difficilement justifiable dans le contexte d'une mission spatiale.
De même, la tentative d'annulation de l'autodestruction du vaisseau semble plus motivée par les besoins du scénario que par une logique interne cohérente. On pourrait cependant interpréter ce revirement comme un réflexe désespéré de survie, reflétant la peur face à l'imminence d'un anéantissement, soulignant le comportement humain de Ripley, isolée dans un environnement désincarné et hostile.
Les incohérences scientifiques, telles que la grosse explosion bruyante dans l'espace, ou encore le peu de temps finalement requis pour s'échapper du vaisseau, peuvent irriter les spectateurs les plus attentifs aux détails. Bien que courantes dans le genre, ces erreurs nuisent à la crédibilité globale de l'œuvre.
*Une critique sociale en filigrane*
La critique sociale dans "Alien", bien que présente, manque de profondeur et de développement explicite, laissant le spectateur sur sa faim. Le film effleure des thèmes potentiellement riches tels que la cupidité des grandes entreprises, la méfiance envers les institutions, les dangers du complexe militaro-industriel et la déshumanisation par la technologie, incarnés notamment par la compagnie Weyland-Yutani et l'androïde Ash. Cependant, ces éléments restent en filigrane, noyés dans l'action et l'horreur qui dominent le récit. Cette approche en demi-teinte de la critique sociale prive le film d'une dimension supplémentaire qui aurait pu enrichir son propos et sa portée. Ainsi, le film se contente de suggérer ces problématiques sans vraiment les explorer, laissant à chacun le soin de les interpréter, au risque de les manquer complètement. Cette superficialité laisse un goût d'inachevé à un spectateur en quête de profondeur thématique.
*Conclusion*
Ce film a eu un impact culturel considérable et durable sur le cinéma de science-fiction et d'horreur. Il a inspiré de nombreux films et est devenu une référence incontournable du genre.
En ce sens, "Alien" reste un film important dans l'histoire du cinéma, principalement pour ses prouesses techniques et son atmosphère unique. Cependant, ses faiblesses scénaristiques et ses incohérences empêchent à mon sens de le considérer comme le chef-d'œuvre absolu souvent décrit. Une œuvre à (re)voir pour son impact historique et ses qualités visuelles, mais avec un regard critique sur sa narration et sa cohérence interne.
Boucton