Alien: Romulus
6.4
Alien: Romulus

Film de Fede Alvarez (2024)

INTRODUCTION

Fan absolu de la franchise Alien, ce film était de loin celui que j’attendais le plus cette année. En fait, je pense que le dernier film que j’ai autant attendu était un certain… Alien : Covenant. Film que j’avais vraiment aimé malgré quelques défauts. Sauf que la suite de Covenant ne verra probablement jamais le jour, vous connaissez sans doute l’histoire... Ne pouvant laisser la saga en sommeil cryogénique, Disney fit appel à Fede Alvarez afin de réaliser un nouveau film Alien et de relancer la machine à fric. Avant de vous détailler mon avis, je vous avertis qu’il y aura beaucoup de divulgâchage, donc je vous conseille d’avoir vu le film avant de lire la suite de cette critique.

LE RÉALISATEUR ET SON PROJET

Fede Alvarez était pour beaucoup un bon choix. J’étais plus circonspect, car je trouve que ses Evil Dead et Don't Breathe : La Maison des ténèbres, s’ils ne sont pas mauvais, sont quand même assez surcotés. Néanmoins, je ne dénie pas au bonhomme un certain talent et un côté jusqu'au-boutiste dans l’horreur. Ce qui était plus rassurant, c’était de voir Ridley Scott comme producteur.

BEAUTÉ SPATIAL, BEAUTÉ BESTIAL

Ce qui frappe à la vue d’Alien : Romulus, ce sont les visuels. Le film est tout simplement M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E. Même la vie horrible des gens sur la colonie minière est belle à voir. Les plans dans l’espace sont incroyables, saisissant de réalisme. Fede Alvarez renoue avec l’esthétique des premiers films, un style rétro-futuriste qui fonctionne très bien. Mais surtout, j’ai le sentiment que le Xénomorphe n’a jamais été aussi beau et aussi crédible à l’écran.

L’ACTING

On pouvait avoir quelques craintes à ce niveau-là, car le casting très jeune et peu expérimenté n’était clairement pas à la hauteur de celui d’un film comme Prometheus. D’autant que c’est ce genre de casting qu’il y a dans le Evil Dead de 2013, et que ce n’est pas brillant. Résultat ? C’est correct. Le meilleur comédien est selon moi David Jonsson, qui campe un androïde toujours très intéressant à suivre, tout en nuances, et qui éclipse par moment les autres personnages, à commencer par celle que l’on présente comme l’héroïne principale, Rain Carradine. Cailee Spaeny s’en sort bien, mais comparée à Katherine Waterston, Noomi Rapace et surtout Sigourney Weaver, elle fait quand même pâle figure. Quant au reste du casting, je ne l’ai pas trouvé très intéressant. On s’attache à Kay parce qu’elle vit vraiment l’enfer, Bjorn est insupportable et sa mort une délivrance, Tyler trop consensuel, et Navarro est peu présente.

LE RYTHME

Je suis là aussi nuancé. En apparence, le film fonctionne bien et le rythme imprimé y est pour beaucoup. Entre le moment où le groupe décolle de la planète et la fin, il n’y a aucune ellipse temporelle. Cela donne un rythme d’enfer, le spectateur n’a jamais le temps de souffler : c’est un choix qui caractérise la réalisation de Fede Alvarez.

Cependant, les autres films de la saga se permettaient des pauses, et c’était toujours justifié. Ici, cela conduit à comprimer les évènements et on frôle l’incohérence : le chestburster qui tue Navarro arrive beaucoup trop vite, 15 minutes à tout casser ! Ce n’est clairement pas logique vu ce que l’on connait de l’univers. Surtout que le facehugger a été retiré, donc si cela peut expliquer l’endroit d’où sort la créature, celle-ci devrait prendre plus de temps à se développer que la normale. Le Xénomorphe se développe également très vite, sans parler de la créature à la fin (elle passe littéralement en quelques minutes de 50cm à 2m50) : c’est aussi beaucoup trop rapide par rapport à ce que l’on a vu dans les films précédents. Le film aurait gagner à prendre plus son temps, et à tous les niveaux.

LE SCÉNARIO

Le scénario est dans l’ensemble bien écrit et se permet d’enrichir l’univers. Ainsi, j’ai trouvé très intelligent le fait d’expliquer les motivations des recherches scientifiques de la Weyland-Yutani Corporation : ce n’est pas juste une méchante compagnie avec de méchants scientifiques. Elle souhaite résoudre un problème fondamental : l’inadaptation de l’espèce humaine à la colonisation. Elle pense que le pathogène est la solution, et souhaite toujours poursuivre la volonté de son créateur. Ce qui explique son acharnement à vouloir mettre la main sur le Xénomorphe.

J’ai aussi beaucoup aimé le lien fait avec Prometheus et Alien : Covenant. Il explique la situation de la station de recherche et il ancre définitivement ces films dans la franchise Alien, n’en déplaise à ceux qui crachent souvent gratuitement sur ces deux prequels.

Autre chose très intéressante : l’univers des mineurs. Car il faut se rappeler que le Nostromo ramène sur Terre une cargaison de minerai. C’est donc une bonne idée de montrer d’où peut venir ce minerai, et cela explique très bien les motivations de nos personnages, qui n’aspirent qu’à une chose : fuir cette vie s’ils ne veulent pas terminer comme leurs parents.

La mythologie d’Alien s’approfondit : on nous dévoile ainsi une nouvelle étape de transformation de la créature avec ce gros cocon que Bjorn attaque. Cela n’entre pas en contradiction avec les autres films, car l’Alien est intelligent et est capable de se planquer dans un coin s’il sent le danger.

En parlant d’intelligence, on nous le montre ici sous l'aspect individuel. Le passage avec le premier Xénomorphe qui attend derrière Kay que la porte s’ouvre, ou encore celui où un autre attrape Rain dans sa chute sont de très bons moments. Quant à l’intelligence collective, il faudra repasser : les Aliens font du surplace quand Rain et Andy tentent de s'échapper... Au deuxième visionnage, c'est limite ridicule.

LE FINAL

Autant je pouvais regretter d’avoir vu les bandes-annonces qui en dévoilaient beaucoup trop sur l’intrigue, autant le final je ne l’avais pas vu venir. Cette espèce de créature absolument abominable, à la croisée entre un Space Jockey et un Xénomorphe, aura donné beaucoup de fil à retordre à Rain, se permettant d’éliminer au passage deux des trois personnages survivants.

LE FAN-SERVICE

Il s'agit du plus gros point noir de ce film. Alien : Romulus est le premier film de la franchise qui ne propose rien de nouveau mais se contente de recycler ce qui a été déjà vu dans les films précédents. Ma plus grande crainte était de voir la sauce Disney, qui contamine tout comme l'huile noire, venir parasiter la saga Alien comme elle l'a fait ailleurs (coucou Star Wars VII). Jugez plutôt par vous-mêmes :

- première partie du film : recyclage de l'intrigue d'Alien (arrivée sur un lieu inconnu, exploration, facehugger, perso kaput, Xénomorphe) ;

- lumière bleue au sol : référence à Alien qui sert à rien et qui n'est pas justifiée ;

- l'androïde « modèle Ash » : l'acteur Ian Holm étant décédé en 2020, ils ont réalisé un deepfake vraiment laid juste pour faire référence au premier film. Chose qui ne sert à rien dans l'histoire et qui est plus que douteux en terme d'éthique ;

- toute le passage où Rain revient sauver Andy : copié/collé d'Aliens avec Ripley et Newt en 100 fois moins bon ;

- le plan pompé sur Alien 3 qui est ici encore une fois injustifié car la situation n'a rien à voir (Ripley avait une reine dans son ventre) ;

- le dernier rebondissement, même s'il est un peu plus original, est quand même une copie du dernier acte d'Alien - La Résurrection.

- les deux fameuses répliques reprises d'Alien et Aliens qui sont tellement grossières que ça en devient énervant.

Ce n'est plus Alien : Romulus, c'est Alien : Rémoulade.

J’AI PAS COMPRIS ?

Quelques éléments un peu obscurs qui subsistent après mon deuxième visionnage. Le début nous montre une sorte de rocher dans lequel se trouve l’Alien, mais de quoi s’agit-il exactement ? Ma théorie, c'est que le Xénomorphe du premier film a secrété le liquide qui lui a permit de se constituer une sorte de chrysalide afin de s'y mettre dans une forme d’hibernation. Au fait, n'était-il pas plus facile d'aller directement récupérer les œufs sur LV-426 plutôt que de se casser la tête à chercher un Alien dans l'espace ?

L’androïde « modèle Ash » parle de 170 jours entre le moment où ils ont récupéré le Xénomorphe et le moment où il est réactivé par nos personnages : cela indique que l’épave du Nostromo et la planète LV-426 sont probablement dans le même système solaire puisqu'en quelques mois impossible de voyager sur des années-lumières. C'est jamais dit mais ça semble logique, et cela peut avoir des conséquences.

J’ai pas compris comment les choses ont pu déraper à ce point sur la station Renaissance. C'est encore l’androïde « modèle Ash » qui apporte des éléments de réponse : il dit que la situation a déraillé quand l'Alien récupéré dans l'espace s'est réveillé, et qu'il a isolé la moitié de la section pour éviter que l'ensemble soit affecté... Il s'agit donc de Rémus. Comment expliquer tous les Xénomorphes dans l'autre section de la station (Romulus) ?

Au fait, pourquoi ce film s’appelle Alien : Romulus?

CONCLUSION

À chaud, sorti de la salle, mon avis sur Alien : Romulus était très positif. Mais peu à peu, les grains de sables entrevus ont grossi, et je me suis rendu compte qu'il y avait pas mal de problèmes. Le film n'a pas très bien passé le deuxième visionnage, et je pense que ça sera le cas avec la très grande majorité des fans d'Alien. Je plains les gens qui découvriraient l'univers avec ce film : vous ne pouviez pas plus mal commencé une saga culte, et vous ne comprendrez probablement jamais pourquoi Alien est devenu ce qu'il est devenu.

Reste une question qu’on est en droit de se poser : le film aura-t-il droit à une suite ? Sans doute que oui, car il rencontre pas mal de succès à l'internationale. Si suite il y a, je vois mal Disney changer à nouveau d’héroïne en cours de route. L'huile noire est a priori sur le Corbelan IV, un élément qui pourrait servir d'évènement perturbateur. J’espère revoir Alien au cinéma mais avec ce studio je ne me fais plus aucune illusion : ils ne m'auront plus avec leurs bandes-annonces trompeuses. Seul un retour à la réalisation de maître Ridley Scott serait capable de me faire vibrer.

Créée

le 14 août 2024

Critique lue 233 fois

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Zero70

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