Romulus doit être le premier opus qui n'apporte rien de neuf à la saga : si on considère ce fait comme un détail, peut apparaître un bon film de science-fiction. Les points forts sont le visuel et l'atmosphère, des moments dantesques ou éblouissants, renvoyant aux espoirs primitifs d'éblouissement par une fugue loin des pesanteurs terrestres et des subjectivités humaines – même au prix d'une éternité de perdition ou d'incompréhension. Style et intensité sont dans un mariage optimal ; n'importe quelle scène dans le vaisseau pourrait faire l'objet d'une immersion anxieuse et/ou d'un plaisir contemplatif.
Curieusement le film a une vibe très lubrique (qui rendrait l'expérience répugnante sans le petit groupe humain), via les créatures et leurs sécrétions, mais aussi les mouvements du vaisseau – tout en entretenant un parfum de marche funèbre conformément au premier opus. Les personnages sont décevants mais pas leurs émotions. La compagnie ambiguë de l'androïde (à la fois rassurant et imposant de jouer à la roulette russe), la plasticité des caractères (puces instrumentales, hormones soumises au stress), donnent l'impression d'évoluer dans un beau cauchemar. Le relâchement de tension en fin de parcours (amplifié par la maladresse des citations) est compensé par le lâcher de monstres et les plans épiques hors du vaisseau. Les musiques et effets sonores sont probablement un peu 'envahissants' en quelques occasions, sinon se baladent entre l'efficace et le majestueux.
Malheureusement, Romulus offre aussi des raisons de rester bas de plafond dans la mémoire du public ; en propre, car il y a des choses incohérentes, invraisemblables ou légères (une arme pour leurrer l'alien), des dialogues pauvres, bref des ressources humaines gérées avec de gros sabots – il y a aussi ce morphing rétrograde d'Alph, délibérément (sinon fruit d'un accident invraisemblable)... mais pourquoi ? Puis surtout, les repompages d'Alien 3 et 4, les suites les plus bestiales et impressionnantes (et les seules qui soient poignantes), qui seront difficilement dépassées, sont à double tranchant ; ils assurent ce que les esprits chagrins appellent du 'fan service' – on peut aussi parler de synthèse, puisant dans l'original, ses déclinaisons (notamment les jeux Alien isolation et Dead space, avec la gravité zéro) et les idées abandonnés.
Romulus ne laisse pas dans l'expectative ou l'embarras comme Prometheus ou Covenant
qui étaient audacieux, mais manque d'indépendance flagrante et n'ouvre aucune voie optimiste pour la franchise – sauf peut-être avec sa colonie de miniers et d'épaves aliénées, mais c'est peu original et trop humain, à moins qu'un nouveau Verhoeven prenne le relai (pas le vieux qui désespère de surfer sur la dernière vague féministe). Or la franchise est tombée dans l'escarcelle de Disney, donc la déchéance vers l'entertainment ado post-Hunger games est à craindre. Une meilleure évolution vers le spectacle pur et léger sur le fond serait de continuer dans la veine Event horizon mixé avec L'aventure du Poséidon.
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