Un retour plus rythmé, mieux écrit, davantage spectaculaire et toujours angoissant

Dure responsabilité de faire une suite à un film culte, et pourtant c’est ce qu’est Aliens, fréquemment cité par ailleurs comme faisant partie des suites pouvant dépasser leur film d’origine, même si le débat est toujours resté ouvert au sein des fans de la saga Alien. Oubliez le huitième passager avec un petit groupe d’humains face à un Alien en liberté, James Cameron passe la vitesse supérieure, pour la franchise comme pour sa propre filmographie puisqu’il fait suite à son premier grand succès qui était Terminator, avec une Ripley accompagnée de plein de marines surarmés et parés à en découdre face à une horde d’Aliens.


En effet, plus de 50 ans après les événements à bord du Nostromo, Ripley est retrouvée dans l’espace et secourue alors qu’en parallèle des colons ont disparu sur LV-426, l’occasion pour elle d’y retourner avec toute une armée. Je vous propose de découvrir ce que j’en ai pensé en écoutant le thème Futile Escape, offrant une formidable illustration au savant mélange d’angoisse et d’action propre au film.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★☆


Si Ripley était déjà un grand personnage de par son développement précédent, elle est ici encore plus travaillée que par le passé. On a d'abord de la compassion pour elle entre son réveil où elle se sent perdue, déboussolée et traumatisée, sans but précis à atteindre. Elle en sortira finalement plus forte et charismatique que jamais, prenant des décisions justes là où les autres se laisseront guidés par la peur, tenant tête aux aliens comme aux cons de son équipe mais elle est aussi, et encore plus cette fois, humaine notamment par sa relation avec Newt, la jeune civile ayant échappé au carnage.


Elle veille sur elle avec beaucoup de bienveillance comme si elle y voyait une seconde chance par rapport à la promesse qu'elle n'a pu tenir à sa vraie fille suite à ses mésaventures dans le Nostromo, comme nous l’apprend la version longue du film. J'ai beaucoup aimé le traitement de ce personnage et son interprétation. C'est vrai que l'actrice a un peu abusé sur son salaire mais quand t'as des producteurs qui traînent à signer un contrat avec elle alors qu'elle est le personnage principal du film, il est logique qu'elle en profite. Et le plus important pour moi, spectateur, c'est sa prestation et un personnage féminin aussi fort, bien joué et avec autant d'implication dans un scénario de blockbuster c'est trop rare pour ne pas être relevé comme grand point fort.


Au niveau de l’écriture, le film peut aussi s’amuser à feindre répéter une thématique ou un élément de l’intrigue du premier film pour le prendre à contre-pied plus tard comme avec Bishop qui semble fasciné par le facehugger, qui a une attitude assez froide... alors qu’il sera très différent de l’androïde précédent. Lance Henriksen parvient vraiment à incarner ce robot avec un visage humain mais dont on sent les expressions faciales trop fermées pour être naturelles, spontanées comme pourraient l’être celles d’un vrai être humain. En ce sens, je préfère son interprétation à celle de Ian Holm qui a attendu la fin de son rôle pour jouer comme ça.


Le casting est également très efficace du côté des soldats avec en tête de liste Michael Biehn, qui incarne toujours aussi bien le soldat moral et rassurant comme il l’avait déjà prouvé à James Cameron dans Terminator, et Jenette Goldstein qui n’a pas un personnage féminin aussi développée et nuancée que Sigourney Weaver mais qui marque tout de même le film de sa présence à ses côtés en incarnant cette mexicaine à la gâchette facile. Je trouve ce casting plus réussi dans son ensemble que celui de Alien 1 qui était vraiment portée par Sigourney Weaver.


La dénonciation d’une recherche de profit à tout prix se retrouve de nouveau et en encore plus explicite, où l’on verbalise le fait qu’un homme qui ne s’intéresse qu’à lui est encore pire qu’un Alien qui lui, tout aussi impitoyable puisse t-il être, est solidaire de ses camarades. C’est un message que l’on pouvait déjà comprendre dans le premier film mais qui se trouve ici exacerbé et complété. En effet, on a désormais une critique de l’armée des États-Unis qui se plie aussi aux ordres d’une compagnie pour en servir les intérêts, en étant parfaitement manipulés comme pions sacrifiables sur un échiquier dont ils ne comprennent rien et montrant avec simplicité qu'une violence décérébrée ne vaut pas grand chose face à un esprit d’équipe et de la ruse. Heureusement que la dame est là pour les guider.


L’univers d’Alien grandit également avec beaucoup d’intelligence et surtout de subtilité tant beaucoup de choses passent par la mise en scène, raison pour laquelle je m’y pencherai davantage dans la deuxième partie de cette critique. Mais si Alien a posé les bases de l’univers, c’est indéniable, c’est Aliens qui l’a étendu pour la première fois et a ouvert la voie à de futures œuvres prolongeant son travail, sur grand écran comme ailleurs, avec ses propres ajouts scénaristiques mais aussi esthétiques. Car Aliens brille également sur cet aspect-là.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆


Le tournant action permet un rythme plus soutenu avec plus de personnages et plus de péripéties. Au début, tout est fait pour nous rassurer avec l’enthousiasme des soldats, l’exhibition de leur gros calibre, ces facehuggers rendus inoffensifs dans leurs cuves... Mais les choses évoluent vite de façon à garder une action spectaculaire tout en ayant préservé une tension assez palpable. L'ambiance angoissante est certes moins mise en avant, en même temps c’était le cœur du huitième passager et en copier le concept n’aurait pas été très audacieux, et elle n’est pas parfaitement absente pour autant.


On peut compter sur quelques petits sursauts au programme, souvent par l’utilisation très bien gérée des détecteurs de mouvement qui retranscrivent très efficacement cette idée que l’on prend conscience de l’arrivée progressive d’un danger sans parfaitement en saisir la portée, mais il y a aussi bien d’autres scènes marquantes par leur aspect anxiogène qui n’ont pas recours à ce procédé. Pour l’illustrer, je prendrai l’exemple de la scène dans laquelle Newt et Ripley sont piégées dans le bloc médical :

Le récit venait depuis un moment calmer la tension en montrant à quel point les survivants pouvaient compter les uns sur les autres et sur leur équipement pour les protéger, ce qui est complètement pris à contre-pied ici pour faire un twist saisissant qui une fois de plus créé la tension au bon moment. En plus de jouer habillement avec la lumière comme pour rappeler la fin de Alien 1, la mise en danger par les facehuggers paraît très sérieuse puisqu’on ne les avait encore jamais vu tenus en échec, ça s’inscrit parfaitement avec le développement des personnages à ce stade de l’histoire...


Si l’on aurait pu craindre que la démultiplication de la menace xénomorphe finisse par démystifier l’Alien par la mise en scène, c’est bien le contraire qui se produit. Le fait qu’ils soient plusieurs fait qu’ils ont tendance à crever plus facilement qu’un seul qui doit survivre jusqu’à la fin pour les besoins du film bien évidemment, mais étant donné qu’ils font face à des troupes lourdement armées, ça se justifie. C’est aussi l’occasion d’enrichir le mythe de l’Alien comme machine à tuer, pour ses talents et capacités individuelles déjà vues, qui sait aussi coordonner ses actions avec d’autres membres de son espèce pour être d’autant plus efficace en de telles circonstances.


C’est notamment le cas avec une nouvelle créature Alien qui apparaît dans ce récit :

La reine alien est l’une des meilleures idées du film, elle permet d’assimiler le comportement des créatures à la manière d’une ruche, et ça marche parfaitement pour tout expliquer de ce film et du précédent dans sa version cinéma. Elle est tellement bien introduite avec ce travelling progressif pour dévoiler toute sa taille, cette mâchoire qui se découvre, cette capacité unique de commander aux autres Aliens... Et évidemment la brutalité de sa réapparition et le combat final contre Ripley dans le méca est une des meilleures idées de mise en scène de tout le film. Non vraiment, c’est superbe !


Cameron ayant bien observé la réalisation du premier film on y retrouvera quelques clins d’œil visuels qui permettent de s’inscrire dans le prolongement du premier film. Aliens partira du principe que vous savez ce que signifie un œuf de facehugger ouvert, un civil capturé par les Aliens à peine vivant, de la bave visqueuse sur une paroi... Savoir cela aide à anticiper ce qui va survenir juste après sans non plus s’imposer nécessairement, ni de façon redondante à celui qui a vu le huitième passager, ni de façon frustrante pour celui qui l’aurait manqué, ce qui est plutôt habile. Si Aliens diffère de son prédécesseur, il ne l'occulte pas non plus.


CONCLUSION : ★★★★★★★★★☆


Vous avez dû commencer à le comprendre à ce stade de la critique, Aliens est l’un de mes films préférés, un de ceux que j’ai vu et revu un nombre incalculable de fois. J’adore le juste compromis qu’il parvient à trouver entre action spectaculaire et angoisse captivante, entre personnages charismatiques et message intelligent, entre rythme soutenu et enrichissement de l’univers... Je comprends ceux et celles qui préféreraient le premier épisode à l'ambiance bien différente ou qui bloqueraient sur des effets spéciaux qui ont parfois mal vieilli techniquement mais ce n’est pas mon cas.

Créée

le 1 juin 2023

Critique lue 385 fois

10 j'aime

damon8671

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