Alita : Battle Angel Cyborg N°99 Motorball Ultimate Champion

Loin d'être un connaisseur de l'oeuvre source, c'est à l'aune de la pure cinéphilie que j'abordais ce film, en spectateur curieux de voir ce que peut donner à l'écran la collaboration entre Robert Rodriguez et James Cameron. Et autant le dire promptement : chacun aurait mieux fait de rester dans son coin.
Le film souffre à mon sens de défauts nombreux, dont la plupart sont inhérents à l'exercice toujours plus cadré du blockbuster.



Dialogue, bagarre, dialogue, bagarre, dialogue, bagarre, dialogue, bagarre...



Premièrement, le récit ne décolle jamais vraiment, la faute à un storytelling à la fois convenu et expédié, chronomètre à la main, pour que tout rentre dans les deux heures que dure le long métrage. On assiste donc à déroulement consensuel à souhait, où les scènes d'actions sont torchées en 5 minutes et X plans, bardées de CGI, filmées sans aucune originalité, où les cyborgs ne tentent même pas de faire illusion face à la surpuissante Alita. Des sortes de PNJ générés aléatoirement qui ne sont bons qu'à finir en pièces détachées. Idem pour les scènes de Motorball, molles à souhait, dans lesquelles les concurrents ne forment qu'un gloubiboulga numérique. Aucune audace, aucune virtuosité, aucune idée n'émerge de ces séquences. Même si Rodriguez n'a pas toujours brillé de côté-ci, on pouvait espérer que Cameron l'aiguille un peu. On est loin des courses endiablées d'un Speed Racer ou d'un Ready Player One. Le problème ne vient clairement pas de la technique, mais de l'usage qui en est fait.
À côté de ça, des dialogues insipides servis par des erreurs de castings, qui débitent des lignes de texte elles aussi sans doute générées aléatoirement par une intelligence artificielle légèrement débile. Christoph Waltz incarne un Gepetto de pacotille, débitant sans saveur ses répliques "à la Christoph Waltz", Jennifer Connelly vient étrenner sa paire de talon ici ou là, Mahershala Ali nous sort sa plus belle imitation de Wesley Snipes, et gâche à peu près tout le crédit que ses rôles récents ont pu lui apporter, sans oublier les tout à fait oubliables rôles secondaires, notamment Keean Johnson qui repartira rapidement jouer dans ses séries pour adolescents. Quant à Alita-Rosa Salazar, si on peut reconnaître que la technique lui confère une aisance et une capacité à se fondre parmi des décors et acteurs bien réels, elle reste prise au piège d'un rôle privé de son envergure.



Le post-apo à po près...



L'autre grand souci du film, c'est son univers. Ou plus précisément le traitement qu'il en donne à l'écran. Sur le papier, tout y est, l'ensemble reprend à peu près ce qui est dans le manga. Mais à l'image, rien ne fonctionne réellement. Cette "décharge" dont on se fait une vague idée par quelques plans d'ensemble, manque d'aspérités, d'identité, quand il s'agit de la montrer réellement. Les parties improvisées de Mortorball semblent filmées dans un décor de Plus belle la vie (d'ailleurs, tout le monde a la banane dans cette ville-poubelle), les balades à moto ne donnent à peu près rien à voir, et les séquences nocturnes peinent à donner une âme à cette ville d'en bas. Et on repense à Metropolis où là, tout de même, ils en chient en bas. De toute façon, le tandem Rodriguez-Cameron nous sert un univers aussi propre qu'une pub pour la lessive, édulcoré de toute la noirceur que supposerait le cadre diégétique original, où l'on se balade tranquillou pour déguster des plaquettes de chocolat larges comme le bras et où l'on tombe forcément amoureux, parce que quand même, peu importe qu'elle soit un cyborg, patati patata. On comprend très vite qu'il y a un cœur de cible, et que ce cœur de cible situe son horizon d'attente entre Twilight, Hunger Games et Le Labyrinthe.
Il est loin le Robert Rodriguez d'Une nuit en enfer ou de Desperado. Le mec a laissé ses c***** dans ses innombrables Spy Kids, et ne brise depuis longtemps plus aucun code. Il faut croire que l'association avec James Cameron n'a pas le même effet que ses collaborations avec Tarantino (ou même Frank Miller). Les deux sont certainement venus cachetonner, l'un pour financer ses suites d'Avatar, l'autre pour produite un cinquième Spy Kids, ou un troisième Machete. Pourtant, l'ultraviolence, intrinsèque à un tel cadre narratif, héritée notamment des Mad Max de George Miller, et qui irrigue le manga, est ici passée à la trappe. Les bastons en perdent leur esthétique, et le récit sa puissance magnétique, surtout quand l'usage du hors champ déporte cette violence loin des yeux et des protagonistes. Par ailleurs, les interactions entre les personnages ne fonctionnent pas, surtout celles entre cyborgs et humains, non pas au nom d'une quelconque réflexion métaphysique, mais tout simplement parce que malgré ses grands yeux, Alita ne parvient jamais réellement à nous toucher, et on se retrouver au final avec la désagréable sensation de ces live-action dénués de puissance émotionnelle. Le film sent le produit "tous publics" à chaque plan, et pour le coup, ça ne sent pas bon.


Au final, on digère comme on peut ces deux heures qui condensent et ouvrent tout à la fois, comme le dicte Hollywood: on lance des pistes qu'on ne poursuit pas, mais qui permettent de préparer deux ou trois volumes. Au diable les audacieux. Le film jouissait pourtant de moyens conséquents, parfois habilement employés, d'un matériau solide mais nous sert tout ça sans aucune saveur. Alors on se remet à penser d'autres films qu'on se ferait un plaisir de revoir, comme Elysium de Neill Blomkamp, bien plus cohérent, pertinent, et efficace, dans son traitement du topos "monde d'en haut VS monde d'en bas". On pense surtout que Robert Rodriguez n'a définitivement plus rien à dire, qu'il ferait mieux de retourner vider des bières au comptoir du Titty Twister, et que James Cameron devrait se grouiller d'en finir avec Avatar et la réédition de la version intégrale d'Abyss.

LeGeorges
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le 19 févr. 2019

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