Ma petite Gally d'amour, tu étais parfaite ♡
Pour le reste, bon, par où commencer... Des reproches, beaucoup. Mais je vais d'emblée faire un travail sur moi-même afin de ne pas pinailler sur les libertés prises et autres traîtrises par rapport à l'œuvre originale (par exemple je ne vais pas parler de ma déception quant à l'absence du symbole BÖC sur le front à Zapan où celle de Zalem sur Ido, dont l'explication d'absence est moins valable que sa présence initiale, un choix incompréhensible si ce n'est pour économiser sur le maquillage. Ce sont des détails, on se calme). La comparaison sera toutefois parfois légitime. Par précaution, je vais aussi lever le drapeau spécial spoiler pour qui veut garder pour lui la découverte de la transposition casse-gueule par principe du papier vers l'écran.


L'essence de Gunnm est la sublimation dans la laideur, c'est se battre pour une goutte de bonheur dans un océan de misère, c'est trouver son chemin dans un labyrinthe de saleté, de rage, de lâcheté, c'est la quête de l'humanité dans un monde de machines et de bêtes. La Décharge est donc le purgatoire de la folie, elle y abrite la fureur et la haine, un désespoir infini, des ruelles de junkies, une indifférence aux blessés mortels rampants, une majorité de cyborg dans une pauvreté futuriste, une déchéance suffocante et noire. Alors quand la Décharge, « Iron City », y est présentée propette, éblouie de lumière et remplie de (nos) contemporains, oubliant un monde intransigeant et dystopique, il y a quelque chose qui bloque. Où est la violence ? (elle apparaît seulement la nuit, elle est bien gentille finalement). C’est un choix pourrait-on dire, d’accord admettons, mais le problème est que le contraste est grand entre les faits et les reflets des protagonistes. Pourquoi dès lors vivre dans une haine continue et rêver de la cité Céleste s’il suffit de rentrer avant minuit pour être tranquille et que du chocolat est à portée de main dans n’importe quel stand. La Décharge y est donc différente (faut que je me le mette dans le crâne), à ce propos c'était bien vu de montrer du Motorball de rue, mine de rien ça ajoute du cachet à l'univers. Sauf que la Décharge est le dépotoir de l'humanité, son dernier bastion, pas un bidonville filmé pour passer à la télévision nationale. Je recommence oups, mais là où je veux en venir c’est que les univers sans pitié des chasseurs de prime et cruel du Motorball s’accordent mal avec la ville présentée le jour. Prenons sa périphérie : le monde extérieur est un putain d'Eden avec sa verdure et ses points d'eau style National Geographic, que fout la populace derrière ces murs (hydrauliques, on appréciera) ? Le berceau de la bassesse n’est expliqué que par des mots volatiles, je n’y crois pas.
Cependant le réal. fait de son mieux pour assembler le manga afin d'avoir une trame cohérente englobant le maximum d'éléments. Autant dire que l'affaire est louable, on sent le respect et ça fait plaisir. Mais cela a aussi pour conséquence d'avoir un enchaînement trop rapide des événements, l'entrelacement des intrigues n'est pas fluide, maîtrisé, cela enlève d'ailleurs l'intimité aux scènes, leur puissance. A chaque fois ce nouveau fil conducteur est forcé donc branlant.


Les «méchants» dans Gunnm sont un des éléments les plus réussis alors qu'ici toute la consistance disparaît au profit de la trame (permettant de "faire fonctionner" le collage d'intrigues), je me demande à ce propos si une suite est prévue afin d'explorer plus Desty Nova, mais j'ai peur qu'il ne soit encore plus massacré. Lui le génie rendu fou par le secret de Zalem, nihiliste mais ambigu (la scène sans lunettes induisait le potentiel émotif, c'est la galvauder que de l'utiliser pour introduire Edward Norton), lui l'extralucide porte désormais le rôle du vilain par principe (sur Zalem ???), quelle tristesse....


Les séquences émotions en semblent dénuées, c'est mécanique, c'est « mal » filmé, ainsi les différents tableaux constituants la trame s'enchaînent sans qu'on puisse ressentir quoi que ce soit si ce n'est presque un malaise pour cette cohérence peu convaincante dans la narration, à l'image de Makaku qui hait Gally pour aucune raison vraiment (le lieu du combat dans les égouts n'a d'ailleurs plus de sens sans le bébé) donc sa tirade sur le pendentif tombe à plat. C'est exactement ça, les éléments du manga y sont mais sont dénaturés de par l’imbrication de la trame. C'est vraiment dommage vu le mal que se donne pour une fois une production sur les détails d'une adaptation. Je me relis et j’ai l’impression d’être tombé dans la comparaison que j’évitais. Mais non, j’accepte que l’histoire soit remaniée, je n’accepte pas les facilités ou invraisemblances. Par exemple, Gally ne combat plus pour elle dans le circuit du Motorball mais pour les crédits, pour Yugo. C’est regrettable mais c’est un choix valable. Par contre qu’Ido soit coach, bon y a encore une logique possible dans la résignation, mais ce n’est pas possible de déclarer à Gally que le grand champion va sur Zalem, il doit le savoir, ce mensonge. En fait je prends conscience que le métrage a pris comme direction centrale la vénération de ce sport, cela abaisse tant la portée épique, les enjeux, quel dommage.
Je ne vais pas m’attarder plus sur les maladresses (intrinsèques je précise), j’ai l’air assez grognon comme ça. Soyons indulgents, il y a un véritable effort, déjà le casting (principal) visuel est impeccable. Seuls Makaku, Nova et Yugo sont ratés. Les deux premiers sont aussi écorchés dans leur traitement donc ne nous y attardons pas. Yugo et sa bande… C’est vraiment pour faire comme dans les teenage movies de ces dernières années. C’est tellement une erreur, encore une fois, la sensibilité est placée sur l’autel de la narration. Je suis cependant bien content que le métrage ne tombe pas dans un humour dont nous abreuve le cinéma récent, il y a toutefois quelques répliques qui piquent (dans le mauvais sens), on est loin des références philosophiques mais rien de grave.

Alors ? Je me demande honnêtement ce que vont en penser les gens ne connaissant pas le matériau d’origine. Le film tient-il la route ? Il est difficile de juger quand on connait chaque élément le constituant. Pour ma part, je crois qu’il n’est pas aussi lamentable qu’un Marvel et surtout, ce n’est pas le naufrage total que j’appréhendais. Dommage cependant pour cet univers lisse, propre et lumineux dont l’atrocité fait figure d’exception. Je disais que Gally était parfaite, ange dans un nid de vermines, elle l’est presque. Elle a montré sa candeur, on veut désormais sa fureur.

Dagoni
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le 16 févr. 2019

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Dagoni

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