Comme de plus en plus de spectateurs français, on goûte beaucoup l'approche coréenne du cinéma populaire, presque systématiquement dynamité par ce formidable instinct du "mélange de genres" qui caractérise les jeunes - et moins jeunes - réalisateurs du "pays du matin calme" depuis une bonne vingtaine d'années. Il y a deux ans, "Dernier Train pour Busan", bien que restant fermement ancré dans le territoire du cinéma de divertissement, avait marqué les mémoires avec ses zombies frénétiques et sa satire politico-sociale (... on en attend désormais la suite, pas encore diffusée chez nous...), et on avait envie de parier sur "#Alive", premier film de II Cho, avec en tête d'affiche un Ah-In Yoo dont on a encore en mémoire la prestation dans "Burning"...
Il nous faut malheureusement rapidement déchanter : on se rend vite compte que le scénario - oeuvre d'un américain, ceci explique peut-être cela - va rester bien sagement sur les rails du récit hollywoodien d'invasion zombie et de survie inhérente, et ne nous apportera que notre lot habituel de scènes convenues, souvent à la limite de l'invraisemblance comme il se doit. Si l'on ajoute un épisode qui semble directement tiré de "Walking Dead" (celui du mari prenant soin de son épouse zombifiée), et un final façon "deus ex-machina", combinant célébration de l'armée salvatrice et apologie des réseaux sociaux permettant de sauver des vies humaines (Zuckerberg doit apprécier !), on pourrait penser que "#Alive" a tout pour déplaire.
Reste qu'on pourra investir 1h30 de son temps à le regarder, ne serait-ce que pour apprécier les pistes intéressantes qu'il offre - mais sur lesquelles il n'arrive malheureusement pas à construire grand'chose... : le contexte Covid19 rajoute logiquement un poids de crédibilité à cette histoire d'épidémie incontrôlable et de confinement forcé, tandis que l'usage par le héros de technologies contemporaines, en particulier du drone, ouvre de vraies perspectives narratives.
Mais c'est sans doute le thème de l'enfermement et de l'isolation qui aurait mérité d'être au centre du film : on ne peut pas s'empêcher de penser au fameux "The Hole" de Tsai Ming-Lang qui, dans un genre évidemment bien plus "auteuriste", disait des choses ô combien plus passionnantes à partir d'une situation similaire. Craignant sans doute de perdre l'attention de son public s'il s'aventurait sur cette piste pourtant féconde, Il Choo a choisi de ne prendre aucun risque et nous livre finalement un produit formaté, plus caractéristique du cinéma US standard que de la créativité coréenne.
[Critique écrite en 2020]
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