C'est dur d'atteindre la cinquantaine et d'avoir perdu toutes ses illusions sur soi même et sur les autres : est-il alors possible de construire une nouvelle vie alors que l'on sait comment cela va finir, c'est à dire mal ? Ceci pourrait être le sujet de "Enough Said" (on fera ici l'impasse sur le ridicule titre en "français") si Holofcener avait eu le courage de sortir des clichés habituels, si le rôle principal avait été confié à une actrice moins désagréable que Julia Louis-Dreyfus (très mauvaise ici), et, pire encore, si l'aigreur n'avait pas fini par envahir chaque scène du film. Sur un scénario potentiellement original - pas si souvent traité par le cinéma américain (aujourd'hui, c'est plutôt le cinéma français qui travaille le thème des gens "d'âge moyen", non ?), il y avait de quoi faire un film profond, qui nous touche, ou bien alors une vraie comédie de moeurs satirique ("Desperate Housewives", quelqu'un ?), qui nous fasse rire et grincer des dents en même temps. "Enough Said" est juste un pensum aigri, terriblement mesquin, tournant en rond autour d'une femme peu aimable, un film qui ne trouve jamais ni la juste distance (portrait empathique ou description clinique, il faut choisir) ni le bon angle "moral". La preuve suprême de cet échec est l'impuissance significative d'un monstre comme Gandolfini, dont ce sera malheureusement le dernier film : mal dirigé, il ne donne au film qu'un fragment de la force émotionnelle dont l'a vu capable presque partout ailleurs, comme si la médiocrité ambiante l'avait contaminé. [Critique écrite en 2014]