J'ai connu Yorgos Lanthimos par l'inoubliable "Canine" et je l'ai retrouvé sans savoir que c'était également de lui avec l'absolument épatant "The Lobster", c'est donc cette fois-ci par envie choisie d'approfondir son œuvre que j'ai visionné Alps.
On entre ici dans un sujet plus difficile que ceux des deux précédemment cités : le Deuil.
La réalisation est froide et chirurgicale et le thème très originalement abordé.
Nous suivons quatre personnages qui incarnent (en service payé) les personnes décédés auprès de leurs proches afin de faciliter le processus de deuil.
Pour se faire ils rejouent des scènes choisies de la vie du défunt et parfois modifient le déroulement de celles-ci. Rien n'est crédible au niveau du rôle incarné, seule compte ici la symbolique. Une odeur, une silhouette, une phrase.
Revivre un moment dans l'Absence.
On ne saura pas si les gens "guérissent", cette thérapie étrange n'étant pas faite pour être véritablement cathartique, mais pour se sortir de l'immobilisme morbide par le jeu.
Je trouve le sujet très pertinent et cela me rappelle vraiment les actes psychomagiques de Jodorowsky qui consistent le plus souvent à se sortir d'un traumatisme en rejouant une scène symboliquement avec une issue libératrice. (Lire "La Psychomagie" de Jodo pour les intéressés.)
La réalisation avec la patte toute particulière de Lanthimos rend le film parfois malsain, ovni et dérangeant (surtout lors de scènes de "danses" que je trouve magnifiques) mais il convient tout à fait pour dépeindre le processus complexe du deuil et l'issue souvent glaciale de dépersonnalisation dans celui-ci.
Ici toutefois, le film appuie plutôt sur la déroute d'un des personnages principaux externes au deuil, déchirée entre sa vie réelle et ses incarnations multiples. Cet avatar multiforme semble au final dénuée d'âme, en errance spectrale, ne prenant vraiment vie que dans celles qui ne sont plus.
Un film qui n'offre pas de réponses et très peu de clés au scénario mais qui maîtrise très bien son atmosphère et dépeint à merveille l'absurdité de l'existence et combien on peut être démuni face au concept de la Mort.