Avec Alvarez Kelly, Edward Dmytryk s'arrête sur un point intéressant, peu abordé dans les films de guerre, celui de l'approvisionnement des troupes et de la population, ainsi que l'importance cruciale que ça peut prendre.
De manière plus générale, il signe-là un film ambitieux, jouant un peu sur l'aspect western, beaucoup sur l'aspect guerre (de sécession) et légèrement sur le côté mélancolique. Il ne s'égare pas, il suit sa ligne directrice, et c'est juste regrettable que l'intensité diminue durant la partie centrale, malgré quelques séquences réussies (le diner pour organiser le départ en bateau). Cette intensité baisse notamment car Dmytryk s'intéresse un peu trop à une intrigue secondaire qui n'a que peu d'importance dès le début.
Enfin, le principal n'est pas là, l'intérêt du film c'est surtout Richmond, capitale des sudistes, encerclée, un ravitaillement qui va avoir une importance capitale donc, et une collaboration forcée entre deux fortes têtes, et ça, ça fonctionne parfaitement. On ne m'ôtera pas de la tête que la réussite tient avant tout dans son duo principal, avec un Richard Widmark incroyable en salaud et un William Holden égal à lui-même (donc excellent) dans le rôle d'un type solitaire qui va se faire mépriser par les deux camps.
Ils portant le film, qui épouse donc autant le point de vue des états du Nords que ceux du Sud, en montrant avant tout ce qu'est la Guerre, et ne cherchant pas à se poser en moralisateur. Sans approfondir, il sous-entend tout de même que les intérêts sont plus sombres que ceux que l'on retient. Dans ce contexte, le rôle d'Holden en particulier est passionnant, il se retrouve proche des deux camps sans forcément le vouloir à la base, et va apprendre à s'adapter.
Edward Dmytryk n'oublie pas quelques petites touches d'humour noir et surtout, il exploite bien ses personnages, il en tire le meilleur, et fait aussi exister des seconds rôles autour d'eux. Il s'appuie sur des dialogues bien écrits ainsi qu'un contexte bien utilisé, à savoir une guerre et le rôle de chacun durant celle-ci. Les interactions entre les soldats et les chefs font systématiquement mouche, et il s'attarche avec grand intérêt sur des points semblant mineurs dans ces relations, mais qui se révèlent passionnants. Enfin, plusieurs séquences valent le détour, que ce soit la finale ou les tentatives d'évasions d'Holden.
Avec Alvarez Kelly, Edward Dmytryk signe un film imparfait mais à saluer à bien des égards, que ce soit par son contexte, son point de vue, ses qualités d'images et d'écriture ainsi, qu'évidemment, ses deux comédiens, William Holden et Richard Widmark, qui sont, comme toujours, géniaux.