Amadeus, c'est l'histoire de deux hommes. Deux musiciens de génie, chacun doté d'un égo si démesuré qu'il leur sera fatal.
Salieri d'abord, si imbu de lui-même qu'il est convaincu qu'un ami imaginaire (il a un nom bizarre, il s'appelle "God") a arrangé sa destinée. Sa rencontre avec Mozart, qui, possède plusieurs choses que Salieri n'a pas comme du talent, la jeunesse, les femmes, provoquera chez lui une crise de jalousie aigüe dont il ne se remettra jamais.
Mozart bien sûr, enfant gâté persuadé que tout lui est dû, resplendissant de talent et de vulgaire, refusant par amour de sa personne de se plier aux exigences de la société viennoise. C'est cette prétention hors norme qui va progressivement le marginaliser, l'entraîner dans la folie et creuser sa tombe.
Mais ce jeu de "je t'aime, moi non plus", entre admiration et haine, entre les deux grosses têtes, comme tout le reste ici, n'est finalement qu'un simple prétexte. La plupart des OST sont écrites pour un film, ici c'est le film qui est écrit pour l'OST. On a tous un peu ce fantasme (ou alors je suis un peu bizarre) ; les grands compositeurs classiques auraient-ils fait de bonnes OST ? Qu'auraient donné une OST de 2001 par Beethoven, une OST du Seigneur des Anneaux par Wagner ?
Ici ça marche à merveille, le film entier se plie pour correspondre à l’œuvre du cher Wolfgang, que ce soit sur des détails où les scènes sont synchronisées sur la musique, ou sur le scénario général qui simplifie, tord, modifie la vie de Mozart pour mieux dramatiser la composition de ses œuvres majeures (Les Noces de Figaro, Don Giovanni, La Flûte Enchantée, et bien sûr, magistral, le Requiem).
On pourra bien louer ce film pour ses personnages convaincants, la qualité de son cadre historique qui s'appuie sur des décors et costumes d'une grande finesse, pour son dosage exemplaire entre dramatique et comique, une seule chose l'emporte sur toutes ces qualités pour moi.
Le tour de force qu'a accompli Milos Forman de faire prendre vie, l'espace de 3 heures, à une œuvre aussi complexe et variée que celle de Mozart.
Avoir su montrer ce que signifiaient les Noces de Figaro ou le Don Giovanni, à l'époque, leur avoir fait prendre chair, nous avoir invité à leur première représentation, à l’opéra de Vienne.
Et ce final, émouvant, ou Mozart donne la vie à son Requiem depuis son lit de mort.
Alors qu'importe si Don Giovanni a été un succès, si le requiem a été en réalité commandité par le comte Franz von Walsegg, ou si Mozart était obèse à sa mort. L'histoire est plus belle ainsi.