N'importe quel réalisateur, si on lui dit :"Et si on faisait un biopic sur un grand musicien que tout le monde adore ?", Il nous aurait sortit un film où Mozart est le personnage principal, beau, charmant, brillant et aimé de tous et aurait présenté son rival comme le vilain pas beau qui a tous les défauts.
Et c'est exactement là que réside le génie de ce film : Mozart n'est pas le héros du film sur lui-même, mais le méchant vulgaire et prétentieux tandis que c'est son adversaire, Salieri qui occupe le rôle principal.
Ce retournement de situation permet non seulement de rendre le film extrêmement immersif (on voit le film à travers les yeux et les sentiments de Salieri, on vit les événements dans sa peau) mais aussi de donner encore plus d'importance à Mozart (il devient petit à petit l’obsession de son rival, il est ce mal qui nous attire).
A partir de la seconde moitié du film, le film se détache légèrement du personnage de Salieri pour explorer un peu plus la vie de Mozart, les difficultés qu'il rencontre, etc. et cela le rapproche du spectateur tout en expliquant encore mieux les choix que prend Salieri (ex : le déguisement noir au deux visages). Ce qui fait qu'à la fin du film, on a la sensation d'avoir vu un duel entre deux hommes que l'on apprécie autant l'un que l'autre, un peu comme dans "Le Prestige", bien que Mozart reste en position de supériorité, ce qui est parfaitement logique et normal.
Quant aux personnages eux-même, ils sont absolument incroyables. Celui de Mozart tout particulièrement : il est vulgaire tout en étant attirant, enfantin mais génial et ses mimiques (son rire !), combinées à l'importance que lui donne Salieri, en font un symbole tout autant qu'un homme. D'ailleurs le fait de placer ce rire à la dernière seconde du film, juste avant le générique est un petit plus qui s'accorde parfaitement avec le reste du film. Et celui de Salieri ... Quel jeu d'acteur ! je crois que c'est le meilleur que j'ai vu avec Portman dans Black Swan et Dicaprio dans Shutter Island. On le voit bien dans la scène où Antonio compose une petite marche pour l'arrivée de Mozart et lorsque l'empereur propose à ce dernier la partition, il lui répond qu'il n'en a pas besoin. Il va alors au clavecin et rejoue parfaitement la musique. Puis, lorsque Mozart commence à improviser sur le morceau pour en faire une version bien plus recherchée que celle de Salieri, on voit la décomposition sur le visage de celui-ci : il est d'abord dubitatif, puis impressionné, jaloux et enfin terriblement en colère (contre Dieu autant que contre Mozart)
D'ailleurs la relation avec Dieu est utilisée de facon très intelligente dans ce film :
Le pretre - "Tous les hommes sont égaux aux yeux de Dieu"
Salieri - "Ah oui ? tous égaux ?"
La scène qui m'a le plus marqué est surement celle au milieu du film où l'on voit Salieri à la fete durant laquelle Mozart se moque de lui devant tout le monde et provoque l'hilarité de foule autant que la colère d'Antonio qui ensuite dit au prêtre "Allez-y raillez moi ! moquez moi !" (plan rapide sur la foule hilare) "parce qu'un jour c'est moi qui rirait de vous". Tellement de frissons lorsqu'il prononce cette dernière phrase !
Vous l'aurez compris, tout dans ce film est parfaitement maîtrisé et les personnages ainsi que les dialogues sont empreints d'un génie que l'on retrouve nulle part ailleurs ; Il a bien mérité sa dizaine d'oscar ! C'est un chef d'oeuvre absolu, surtout pour les amoureux de la musique !