Coïncidence évidemment inattendue : à quelques semaines d’intervalle, après La salle des profs et Pas de vagues, c’est un autre film ayant pour thème un système scolaire en vrac qui fait l’actualité. Avec ce même constat, et qu’importe où cela se passe, en Allemagne, en France ou en Belgique, et qu’importe le problème posé (enseignement de valeurs et de vérités empêché, harcèlement et fausses rumeurs, fondamentalisme…), un même constat donc : un corps professoral au bord du gouffre (s’il n’est pas déjà rendu au fond). Amal - Un esprit libre aborde de front la question de l’entrisme islamiste au sein de l’école, avec ce que cela entraîne de radicalisation chez certains jeunes et suscite de peur et d’inquiétudes (et même d’autocensure) chez beaucoup d’enseignants.

Comme point de départ ici, une histoire d’harcèlement : une élève d’un lycée de Bruxelles, de confession musulmane, est persécutée parce que soupçonnée d’être gay. En cherchant à ouvrir le dialogue, à éveiller les consciences, à changer le regard de ses camarades de classe (et en les mettant face à leurs contradictions) par rapport à l’homosexualité, la pratique de la religion et les plaisirs de la vie propres à chacun (en leur faisant découvrir Abū Nuwās, poète hédoniste du 8e siècle, amoureux des garçons et du bon vin considéré comme l’un des plus grands poètes de langue arabe), Amal, enseignante de littérature, provoque l’incompréhension puis la fureur de plusieurs élèves et parents ainsi que d’un collègue, professeur de religion au double langage.

C’est qu’on ne plaisante pas avec ceux qui détournent les écrits religieux (quels qu’ils soient) et se les approprient pour en imposer une vision étriquée, extrémiste. Très vite, la situation va dégénérer, et Amal de se sentir de moins en moins en sécurité… Écrit bien avant l’assassinat de Samuel Paty, le film de Jawad Rhalib est un réquisitoire sans appel contre toutes formes d’obscurantisme ; une réflexion engagée sur ce qu’est devenu le métier d’enseignant face à des manifestations de violence toujours plus prononcées (et amplifiées par les réseaux sociaux) et à la mise à l’index du principe de laïcité. À noter qu’en Belgique, les cours de religions sont obligatoires et intégrés au cursus scolaire (mais sans droit de regard des autres professeurs et de l’administration), cette pratique étant d’ailleurs actuellement remise en question par le gouvernement.

Certes, le film a tendance parfois à faire dans la démonstration, à surligner ses intentions, mais n’en reste pas moins convaincant dans sa vision d’une jeunesse sous influence (ou résiliente aussi) et sa critique d’un islamisme sectaire, qui gangrène (Rhalib l’a ainsi souligné : «Le film ne porte jamais atteinte à l’islam […] Nous ne devrions pas nous sentir constamment obligés de nous excuser d’être musulmans, car nous n’avons aucun lien avec ces personnes»). Et puis l’engagement total, l’interprétation rageuse de Lubna Azabal emportent tout sur leur passage, admirable et touchante dans le rôle de cette prof impliquée, passionnée, viscéralement attachée à la notion de «din wa dunia», la religion et la vie, incarnée par Abū Nuwās et que tant jugent inconciliables, y préférant alors la haine et les interdits.

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mymp
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le 17 avr. 2024

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