Descente aux Enfers d’une mère et de son fils

Il ne fait pas bon être, naître femme, sous certains climats… Bien que sur un scénario totalement différent, le deuxième long-métrage de Mehdi Hmili s’inscrit dans une parenté argumentative avec La Belle et la meute (2017) de Kaouther Ben Hania. A quelques années d’écart, les deux œuvres tunisiennes dénoncent fermement à la fois la corruption de la police, ses injustices délibérées, et l’iniquité résolue dans le sort et le traitement réservés aux femmes. Et cela à travers des scènes soit exclusivement nocturnes, pour la réalisation de Kaouther Ben Hania, soit de plus en plus gagnées par la nuit, pour celle de Mehdi Hmili.

Après trois courts-métrages en noir et blanc, la quête éperdue de l’autre est visiblement une thématique récurrente dans le cinéma du réalisateur et scénariste tunisien. En 2016, Thala mon amour lançait un jeune opposant politique à la recherche de celle qu’il aimait. Dans Amel et les fauves, c’est une mère, Amel, très densément et subtilement campée par l’actrice et elle-même réalisatrice Afef Ben Mahmoud, qui s’enfonce dans les nuits tunisiennes, à la recherche de son fils Moumen, non moins intensément incarné par le très prometteur Iheb Bouyahya. Une accusation calomnieuse l’a en effet jetée en prison, provoquant la perte de contact avec son fils et le naufrage de celui-ci dans la drogue, les nuits chaudes et la prostitution. Mais, loin d’une approche morale et manichéenne, cette double plongée est l’occasion, pour Mehdi Hmili et son directeur de la photographie, Ikbal Arafa, d’une exploration de ce monde nocturne, que Amel rejoint aussi professionnellement, puisque son incarcération l’a mise au ban de la société. Si cet univers sublunaire présente des aspects terribles que le scénario ne tait pas, il couve aussi, en des teintes précisément « fauves », de vraies amitiés et de vraies solidarités qui permettent assurément de cheminer jusqu’au jour. 

À la fois constat implacable et mise en accusation claire des dysfonctionnements d’une société, à travers cette revisitation de la figure d’une Déméter qui rechercherait ardemment non pas sa fille Perséphone, mais un fils tout autant chéri, Mehdi Hmili parvient toutefois à ménager une ouverture qui ne soit pas mièvre, un espoir et une promesse qui ont aussi su jouer le rôle de phare dans la propre vie du réalisateur. Une confession partielle qui prend une dimension d’autant plus forte qu’elle sait ne pas se départir d’un pouvoir d’analyse, tout en préservant une foi humaniste. 

AnneSchneider
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le 26 avr. 2023

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Anne Schneider

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