L'américain il est simplet, inculte, têtu. C'est un peu le gros beauf tatoué "God Bless America" dans le dos qui se pense le plus fort, le plus grand, qui déblatère ses valeurs patriotiques et défend ses principes au milieu d'un repas de famille, à coup d'arguments inébranlables puisque appuyés par les précieux amendements de la Constitution des États-Unis.
Cliché vu de l'Europe? En effet. Pourtant c'est un peu le dessin de l'américain que semble esquisser Claus Drexel. L'américain est simple d'esprit.
Mais comme disent certains grands penseurs de notre époque, c'est celui qui dit qui est (#punchlinebacasable). Alors si certes on est toujours le con de quelqu'un, la prétention affiché par le documentaire face au résultat de cette enquête en Arizona nous donne une idée de qui tient le premier rôle.
La forme au service de la forme
Au niveau esthétique, comme la bande-annonce semblait le laisser supposer, le rendu est très agréable. [Piquez-lui son grand angle voir ce qu'il reste !]. Non ce serait dommage d'enlever ces plans larges tant ils sont envoûtants. Mais si on ira pas jusqu'à dire que trop de grand angle tue le grand angle, on constatera tout de même que ces plans fixes n'ont plus le même effet quand ils constituent l'intégralité du film.
Ceci dit, c'est un très beau documentaire dans ce qu'il propose visuellement, mais qui manque de fond. La forme au service du fond ça ne fonctionne pas, pas ici. Ça fonctionne dans l’univers de N.W.R par exemple, dont la symbolique des images dispose d'une telle richesse qu'elle compense parfois l’absence de dialogue, mais ça ne peut fonctionner dans une oeuvre non-fictive explicitement orientée politique.
D'autant plus que les images, bien que très captivantes, sont le reflet du cliché de l'Amérique de l'Ouest, précisément de l'Arizona, État où se déroule intégralement le documentaire et qui lui a justement donné son nom en guise de titr... ah non, au temps pour moi.
Que reste-t-il du rêve américain? La question que pose l'affiche trouve en partie sa réponse dans les images, celles de maisons délabrés, d'églises presque vides, de carcasses de voitures rouillées et de zones abandonnées dont les seuls signes de vie proviennent de quelques habitants au passé douloureux ainsi que de vieux trains de marchandises de passage.
Si ces symboles ne sont pas le reflet de l'Arizona, certaines carcasses de voiture filmées provenant de lieux touristiques créés pour les touristes au beau milieu de la route 66 (google images "Hackberry Arizona") et n'ayant donc aucune valeur de représentation de l'État lui-même, ils sont encore moins celui de l'Amérique. Oui j'insiste beaucoup sur les États-Unis, parce que le titre America a été choisi et il faut pouvoir en assumer la signification. Peut-être est-il plus vendeur que "Arizona", mais c'est une erreur car quand bien même on comprend rapidement qu'il s'agit de l'Ouest américain, on pourrait rester, à l'image du dernier plan ("AMERICA" en plein écran pour vous spoiler), sur l'idée inconsciente qu'on vient de regarder un reportage sur l'Amérique.
C'est un documentaire sur quelques phrases tirées du discours de quelques personnes d'une petite ville de l'Arizona aux États-Unis. Imaginez si un mois avant les élections françaises on avait fait un reportage appelé "FRANCE, que reste-t-il de la solidarité française?" sur le discours de quelques habitants de Calais... Serait-il objectif dans son approche?
Un brief respecté?
Mais passons là-dessus et intéressons nous au contenu lui-même. Si les images surfent sur les idées reçues (quelques fois réelles je vous l'accorde) du Far West, qu'en est-il du fond? Pas de voix off, uniquement les interviews des américains, chez eux, plans fixes, très immersif.
Le réalisateur, par ce choix, affiche sa volonté de transparence, n'imposant rien aux interrogés si ce n'est quelques rares questions pour les relancer. Et par les relancer, j'entends leur faire dire clairement ce qu'on souhaite entendre, sur les deux thèmes que Claus Drexel semblait avoir l'ambition de traiter : la pérennité du 2ème amendement et la monté au pouvoir de Donald.
À la manière d'un journaliste sportif qui ne poserait que les questions qui l'intéressent pour sa Une du lendemain, les journalistes de America interrogent sur des sujets à controverse sans passer par une phase de compréhension de leurs convictions, pourtant dans un format d'1h22 seulement.
Résultat, c'est embarrassant. Le dîner de cons ça vous parle? C'est très hypocrite dans l'approche, on les laisse s'exprimer librement pour rester très authentique, mais au fond on sait qu'ils vont dire ce qu'on attend d'eux, renforçant un peu plus leurs propres aprioris. Alors on les laisse parler, puis le montage fait le reste du job, agrémenté des quelques secondes de silence lourdes de sens. Une mauvaise foi et un jugement largement perceptibles.
En résumé?
De très beaux plans, une vraie immersion au sein de l'Amérique profonde, mais un voyage en surface malaisant et biaisé par des choix journalistiques et de réalisation discutables.